Patagonie: l’héritage d’Antoine de Tounens a la vie dure (Vidéo)

 Le Royaume de Patagonie, dont on entend souvent parler, a bel et bien historiquement existé. Un Français, Antoine de Tounens, en fut le roi sous le nom d’Orélie-Antoine Ier.

Antoine de Tounens est né le 12 mai 1825 en Dordogne dans une famille de fermiers aisés. Il est le huitième de neuf enfants. Enfant doué, il obtient son baccalauréat et achète, avec l’aide de sa famille, une charge d’avoué à Périgueux.

Préoccupé par le sort des Indiens araucans et mapuches, il vend sa charge et décide d’aller à leur aide. Il s’embarque en 1858 pour le Chili, où il débarquera le 28 août de la même année. Le 17 novembre 1860, il remet aux caciques des territoires d’Araucanie et de Patagonie la constitution qu’il a rédigée à leur intention et qui débute ainsi : « Nous, Prince Orélie-Antoine de Tounens, considérant que l’Araucanie ne dépend d’aucun autre Etat, qu’elle est divisée par tribus et qu’un gouvernement central est réclamé par l’intérêt particulier aussi bien que par l’intérêt général, décrétons ce qui suit : par notre décret en date de ce jour, nous avons établi en Araucanie une monarchie constitutionnelle… » Il est proclamé roi du royaume d’Araucanie et de Patagonie par les caciques et les peuples indiens le 20 novembre 1860.

Attiré dans un traquenard en 1862, il est capturé par les troupes chiliennes, qui le font interner comme fou afin de pouvoir le rendre aux autorités françaises. Par trois fois, en 1869, 1874, 1876, Orélie-Antoine Ier tentera de reprendre son royaume et de rejoindre ses sujets, qui subissaient les assauts des armées chilienne et argentine.

Antoine de Tounens est généralement considéré comme un doux-dingue et son royaume comme une anomalie, un mirage presque. Cela, c’est pour l’histoire officielle, celle des vainqueurs, qui n’est pas, loin s’en faut, celle du peuple mapuche.

A la suite des guerres indiennes qui n’ont rien à envier à celle de l’ouest américain, les populations mapuches furent définitivement vaincues à la fin du XIXe siècle, et le Chili et l’Argentine purent se partager leurs terres. Aujourd’hui, le nombre de Mapuches est estimé à 1,5 million au Chili, et à 200 000 en Argentine.

 

La parution récente de l’ouvrage du journaliste d’investigation d’origine mapuche Pedro Cayuqueo, L’Histoire secrète des Mapuches, est venue ranimer l’idée, jamais vraiment abandonnée, d’une souveraineté du peuple mapuche, héritière du royaume d’Antoine de Tounens. Pour les Mapuches, Tounens fut un visionnaire qui conçut sa monarchie parlementaire sur les principes de la coyag, l’Assemblée traditionnelle des tribus mapuches.

On a reproché beaucoup de choses à Antoine de Tounens, notamment d’être un aventurier cherchant à prendre avantage des Indiens et à les utiliser pour l’exploitation de mines d’étain et d’argent. Soyons bienveillants envers Antoine de Tounens, ne lui prêtons pas de mesquins calculs. Que cherchait-il ? Un royaume, ce n’est déjà pas mal. Qui plus est un royaume où ses frères indiens, ses « sujets », pourraient vivre tranquillement sous son autorité en gérant leurs propres affaires. C’est ce royaume que les Mapuches aujourd’hui cherchent à retrouver.

Pierre Barbey -Présent

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