On n’arrête pas la… connerie. Dans la série mais-où-vont-ils-chercher-tout-ça, la dernière trouvaille en date de ceux qui nous gouvernent et ne veulent que notre bien est gratinée, à savoir : l’interdiction de la cigarette dans les films, au nom de la lutte contre le tabagisme. Ce n’est pas encore officiel mais ils y pensent. Du moins la ministresse de la Santé, Agnès Buzin.
Alors que toutes ces bonnes consciences, soucieuses, rappelons-le, de notre santé, ont adopté la mesure consacrée à l’augmentation du prix du tabac, une certaine Nadine Grelet-Certenais, sénateur PS de la Sarthe, a interpellé ledit ministre de la Santé sur la responsabilité du cinéma sur le tabagisme en France.
Accusant le cinéma de faire de « la publicité détournée pour la consommation de tabac », Nadine Grelet-Certenais a estimé qu’« il faut aller au-delà du porte-monnaie (…) en s’intéressant notamment aux incitations culturelles à fumer ».
Une réflexion bien fumeuse que semble approuver Agnès Buzin, qui a aussitôt annoncé qu’elle prendrait des mesures dans le cadre du second plan national de réduction du tabagisme, en ajoutant qu’elle « ne comprend pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français » et qu’elle « veut qu’on ait une action ferme là-dessus ».
Ferme là-dessus ? En revanche, la banalisation de diffusions de scènes limite porno, de violence voire de clips de rappeurs entourés de créatures pulpeuses et éructant des grossièretés dans des nuages de fumée tirés de joints plus gros que des barreaux de chaise dans les médias du Net, seraient-elles moins nocives pour le cerveau des jeunes ? Toujours est-il que ces images ne semblent pas réclamer la fermeté d’Agnès Buzin.
L’horreur, l’insupportable, l’inadmissible, c’est donc de voir un acteur fumer une cigarette dans un film, ce qui inciterait les jeunes à les imiter. Du coup, après avoir déjà contraint et forcé Lucky Luke – ainsi que le cow-boy de la pub Marlboro – à écraser sa clope et à la remplacer par un brin de paille, ces bonnes âmes ne veulent donc plus de cigarettes au cinéma. Que seraient un Eddy Constantine sans cigarette, whisky et petites pépés, un Humphrey Bogart/Marlow sans cibiche, un Maigret sans pipe, un Gabin, un Delon, un « Bébel », un Ventura, un Montand, une Catherine Deneuve sans une cousue aux lèvres, ou encore un Eastwood « Blondin » sans cigarillo au coin du bec, un Gainsbourg fumeur de gitane interdit de s’en griller une et quelques autres sans une sèche entre les doigts ?
Certes, fumer n’est pas bon pour la santé, mais de là à brandir le panneau « interdit » jusqu’au cinéma, il y a une grosse taffe. D’autant qu’après ce « cachez cette cigarette que je ne saurais voir », on peut se demander quelle sera la prochaine étape ? Quel sera le prochain diktat de ces tristes sires handicapés de la joie de vivre ? L’interdiction de voir des comédiens boire un verre d’alcool à l’écran, de se faire une « ligne », de se servir d’une arme, de foncer à fond les ballons au volant de bolides ? Si le cinéma, en règle générale, reflète la vie, même si celle-ci n’est pas toujours belle à voir, resteraient alors quelques films aux scenarii aseptisés et soigneusement filtrés par les ministères de la Santé et de la Culture. Pas sûr que ça attire les foules.