Quarante-sept ans après son père Pierre Elliott, Justin Trudeau devient Premier ministre du Canada à seulement 43 ans, au terme d’une campagne menée tambour battant. La trudeaumania a encore opéré ! Charmeur, élégant, attentionné, empathique, Justin a fait mentir ses détracteurs : il est un chef charismatique et non pas (seulement) un bon communicant. Reste à le voir à l’œuvre car, côté intelligence et expérience des responsabilités, c’est plutôt maigre.
Que la vie politique canadienne est simple comparée à la nôtre ! Simple et un peu ennuyeuse. Des institutions copiées sur le modèle britannique, avec amplification des mouvements de l’opinion et majorité stable à la clef. Trois grands partis qui portent leur philosophie politique dans leur nom même : l’un conservateur modéré, l’autre libéral, à tendance sociale, et le petit dernier social-démocrate « light » qui n’a jamais eu le pouvoir mais a contribué à la mise en place d’un « welfare state » d’inspiration européenne. Le pragmatisme, la modération dans les programmes et les propos, et une proximité malsaine avec les firmes et les milieux d’argent.
Stephen Harper, Premier ministre conservateur sortant, n’a pas démérité, surtout en économie. Le Canada fut le seul pays occidental à avoir à peu près échappé à la crise de 2008 et à la grande récession. Son conservatisme moral et social de protestant de l’Ouest canadien était bienvenu dans une société en proie aux communautarismes et aux conflits. Après neuf ans de pouvoir et une image lisse et trop terne, il n’a pas réussi le pari d’une troisième victoire d’affilée.
Un Trudeau d’Outremont est donc de retour ! Le Québec est le berceau du Canada et Outremont, le quartier de la bourgeoisie francophone cultivée de Montréal, renvoie l’un des siens à Ottawa : libéral, anglophile, fédéraliste, favorable aux affaires. On trouve son pendant à Wesmount pour la bourgeoisie anglophone.
C’est le paradoxe de ce pays construit par deux nations fondatrices, l’anglaise et la française, si l’on exclut la « spoliation » initiale des premières nations. Les deux cultures s’y sont affrontées, et la française a même failli disparaître, par assimilation, s’il n’y avait eu la résistance culturelle et cultuelle de l’Église catholique et la revanche des berceaux. Mais cet antagonisme a aussi produit de beaux fruits, n’en déplaise à ceux, au Québec, qui à force de « chialer » ont tué l’aspiration québécoise à l’indépendance. Le Canada n’est-il pas la destination préférée de tous les candidats migrants de la terre ?
C’est bien là le problème, du reste, et l’explication principale à la victoire du parti libéral qui a fait du multiculturalisme le fondement de la nation canadienne, depuis que Trudeau père a incorporé une « Charte des droits et libertés » à la Constitution canadienne, ce vade-mecum de tous les communautarismes en devenir, et de la disparition à terme de l’identité des deux nations initiales.
Un Zemmour du Canada, s’il existait, titrerait : « Le suicide canadien : les 40 ans qui ont défait le Canada. » « Anglais » et « Français » seront bientôt minoritaires dans le pays qu’ils ont fondé, au profit des « allogènes », ces nouveaux venus dans le paradis multiculturel, multiethnique et multireligieux canadien. Violent et multiconflictuel aussi, comme par hasard.