Elle avait 103 ans. Sa haute coiffe toujours bien en place, elle incarnait une Bretagne fière et souriante. Maria Lambour, l’une des plus célèbres Bigoudènes de la pub Tipiak, s’en est allée hier, après plus d’un siècle d’une vie trépidante.
Elle était née en 1911 sur l’île Chevalier, à Pont-l’Abbé. Dans la capitale bigoudène, elle avait tenu un célèbre bistrot dans le quartier de Lambour, de 1932 à 1988. Maria Lambour avait traversé deux guerres mondiales, elle s’était mariée en 1932 à Charles Le Maréchal. Maria avait eu deux enfants, elle s’était installée « en ville » en 1934 et avait perdu son mari en 1938. Maria avait ainsi débuté sa vie avant de traverser le siècle. Le siècle d’une femme ordinaire au destin extraordinaire. Les mille vies de Maria Maria avait mille vies. Elle était devenue célèbre en criant : « Ils nous ont volé notre recette ! Piraaaates ! », dans la pub Tipiak, sous l’oeil du cinéaste Jean Becker.
Elle avait choisi d’être la marraine d’Iffig 29, la jolie mascotte des pompiers finistériens. Elle avait parrainé l’expo « Il était une coiffe », au musée de Pont-l’Abbé. Elle avait inauguré la foire-exposition de sa ville. Elle avait lancé la saison du Rugby Club Bigouden… Maria avait mille envies. Elle montrait régulièrement aux écoliers du pays comment elle mettait sa coiffe tous les matins. Elle tenait un stand de fleurs sur le marché de Pont-l’Abbé. Elle faisait du tricot sur les bancs de son quartier de Lambour. Elle avait tourné pour la télévision russe un documentaire sur l’artiste peintre Zinaïda Serebriakova. Elle avait été guide de l’exposition Lionel Floch, au Musée Bigouden. Elle parrainait l’association de Jonglerie du Bout du Monde. Elle faisait des démonstrations de barattage du beurre à l’écomusée près de chez elle. Elle avait participé à l’émergence d’un logo pour son Pays bigouden.
Elle aimait manger du ragoût de veau. Elle n’aimait pas la télé. Elle aimait la toile de Lucien Simon « Le départ à la guerre des hommes de Pont-l’Abbé ». Elle avait été consacrée lors d’une expo photos au phare d’Eckmühl de Penmarc’h… Des milliers d’émotions sur les réseaux sociaux Oui, Maria Le Maréchal, dite « Maria Lambour », aura connu mille vies comme elle aura vécu ses mille envies.
Hier, elle a posé sa dernière coiffe et s’en est allée. L’information est tombée en milieu d’après-midi : Maria Lambour n’est plus. Pied de nez à ceux qui considéraient l’image de la dynamique Bigoudène comme passéiste, les réseaux sociaux se sont emballés pour partager l’info. Des hommages par milliers, des tweetos et autres followers qui témoignent de la popularité et, finalement, de la modernité de cette petite femme d’exception. La rédaction du Télégramme ne s’y était pas trompée en élisant Maria Lambour « Bretonne de l’année 2011 ». L’alerte centenaire bigoudène devançait cette année-là… Laury Thilleman, alors Miss France ! Et elle partageait cette savoureuse victoire avec Nolwenn Leroy, élue par les internautes. « Combien j’ai gagné ? Un bonbon ? », souriait alors la jeune fille, à l’annonce de son succès. Au paradis des Bretonnes Hier, sur le site bigouden de La Torche, les meilleurs windsurfeurs mondiaux s’étonnaient de la pétole persistante. Tout s’explique : dans ce ciel lumineux, le vent s’était calmé pour laisser passer Maria. En soirée, là-haut, au paradis des Bretonnes, quelque chose nous dit que ça décoiffait déjà.