Rixe de Sisco: le compte rendu du procès

Nous avions rendu compte des incidents du mois d’août, à Sisco  et de la déferlante médiatique qui s’en était suivie. Nous avions également interrogé le désormais défunt maire d’une petite commune de Corse, M. Casanova, à propos de cet affaire. Nos confrères de Lengadoc info se sont rendus la semaine dernière au procès de Sisco.

 Les faits sont relativement banals si on y regarde bien. Le 13 août, une famille corse d’origine marocaine qui tente de « privatiser » une plage. Des Corses « locaux » qui ne se laissent pas faire, des armes qui sortent côté maghrebin (batte de baseball, harpon…),les habitants de Sisco qui rappliquent, des coups, des insultes, des pneus crevés, des voitures retournées et incendiées par la population en furie… Énorme empoignade nécessitant l’intervention des pompiers et d’une soixantaine de membres des forces de l’ordre…

Au dire de chacun, la bagarre aurait pu ne pas avoir lieu si les quatre frères marocains n’avaient pas eu une attitude provocante. On a même utilisé le terme de « caïdat » à l’audience. Et le procès aurait pu rester ce qu’il aurait dû être, c’est à dire un procès normal pour des violences volontaires. Mais l’emballement médiatique dans le contexte de tensions inter-communautaires qui règne en France depuis les attentats islamistes en a fait le procès du « vivre-ensemble » et du racisme. A tel point qu’on ne sait plus qui est victime et qui est agresseur… C’est un euphémisme de dire que le parti-pris des médias « parisiens » a été très mal perçu par une population corse, malgré tout ce qu’on a entendu, très accueillante et chaleureuse.

Du point de vue du droit, dans les faits, la victime d’une agression est la personne qui a été blessée. Une version très simpliste qui ne plaît absolument pas aux gens de Sisco et à tous les Corses que nous avons pu rencontrer. Ils étaient près de 800, rassemblés ce jeudi 15 septembre 2016 devant le palais de justice en soutien aux deux Siscais, avec un profond sentiment unanime d’injustice. Le maire de Sisco, Ange-Pierre Vivoni (DVG) déclarait attendre « la lumière, la justice et l’apaisement » et dénonçait la pression médiatique.

Deux figures de la politique locale étaient également présents, Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni respectivement président de l’assemblée territoriale de Corse et président de l’exécutif, élus en décembre 2015, qui n’auraient manqué ce procès pour rien au monde. Isabelle Nunzi, la présidente de l’association de soutien « FIANCU A VOI » (à vos cotés) s’est déclarée « très satisfaite de la mobilisation » ce jour-là. A l’issue du verdict elle affirmera que « la population corse trouve que la sanction envers les deux Siscais a été très sévère par rapport aux autres protagonistes » avant de « remercier les soutiens corses ainsi que ceux du continent pour leurs encouragements et leurs dons ».

La très forte présence de journalistes a entraîné le déplacement dans la salle des assises. Seul « dépaysement » qu’il y aura donc eu pour ce procès puisque la demande des défenseurs de juger à Paris – c’est tout un symbole qui dénote l’incapacité à s’intégrer au niveau local- avait été rejetée le matin même. Le procès a donc débuté vers 15h. Chacun savait que ça allait être long et y allait de son pronostic. 19h, 21h… l’attente était de rigueur et quelques renseignements filtraient occasionnellement de la salle d’audience via sms, propageant quelques rumeurs absolument fausses. Le plus sûr restant le « tweet-live » des journalistes accrédités pour assister au procès.

La météo très menaçante dispersa par deux fois les soutiens sous des trombes d’eau mais ces épisodes n’eurent pas raison de leur détermination. L’atmosphère pesante et l’attente rendaient l’ambiance électrique et une étincelle aurait suffit à déchaîner, une fois de plus, les passions. Ce qui failli arriver vers 17h lorsqu’aux abords du tribunal, une musulmane voilée eut un geste et une remarque déplacés envers une Corse arborant le tee-shirt de soutien à Pierre Baldi (l’employé municipal) et Lucien Straboni (le boulanger). Plus de peur que de mal heureusement mais révélateur du climat ambiant.

On se rappelle le fameux communiqué du FLNC à destination des terroristes salafistes, et les inscriptions sur les murs sont là pour rappeler le message. Mais la population n’est pas dupe et la menace est dans tous les esprits. Situation paradoxale sur cette île pourtant habituée au bruit des explosions lors des fameuses nuits bleues. A la différence près, cette fois-ci, que le terrorisme islamiste est absolument aveugle, n’a pas peur de verser le sang et se fiche éperdument des revendications identitaires/nationalistes de la Corse.

Certains parlent d’un procès d’apaisement. Il est vrai que les deux Siscais, ainsi que le reste de la population de Sisco ont envie de tourner la page et de reprendre leur vie normale. Avec un goût amer dans la bouche cependant au vu des condamnations (8 mois et 1 an avec sursis). Peut être également à cause de la relaxe obtenue par le quatrième frère Benhaddou en situation irrégulière et en cavale depuis les faits. Ou par la présence de huit avocats pour la défense des trois Marocains.

Ajoutons à tout ça le fait que le principal condamné, Mustapha Benhaddou, condamné à plusieurs reprises pour des faits d’outrage, de rébellion, de conduite en état d’ivresse, de dégradation, de transport d’armes et divers délits liés aux stupéfiants, vient de faire appel de sa condamnation à 2 ans ferme pour l’affaire de Sisco. Dans une véritable logique d’apaisement…

Martial Roudier

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