Que faire des 42000 églises de France ?

A l’occasion de la sortie de la revue Documents épiscopat : « Ces églises qui font l’Église », Monseigneur Jacques Habert, évêque de Séez, membre du conseil pour les mouvements et associations de fidèles, responsable du groupe de travail Les églises, un nouvel enjeu pastoral évoque les questions liées aux problématiques culturelles et patrimoniales. Que faire des églises vides (à défaut de les confier aux communautés traditionnelles…) ? Les laisser se détruire ? Y organiser des concerts ? Les abandonner ? En faire des mosquées… ? :

“Que les évêques s’intéressent à la question des églises n’étonnera personne. La perspective confiée au présent groupe de travail était de réfléchir à leur utilisation. La réflexion peut surprendre car chacun sait, en effet très bien, à quoi sert une église : elle est un lieu consacré au culte. La problématique de notre groupe fut à la fois de confirmer cette évidence mais aussi d’élargir la perspective.

Les églises sont des lieux cultuels. Il revient à nos communautés de les investir et de donner à cette dimension cultuelle toute son ampleur. Celle-ci ne se limite pas à la seule eucharistie. Elle peut intégrer d’autres formes de célébrations, mais aussi s’ouvrir aux dimensions de l’accueil, de l’enseignement, de la catéchèse…Ce sont autant de domaines où le peuple de Dieu peut et doit s’investir. Comment imaginer, dans les années qui viennent, que les 42000 églises qui constituent notre héritage soient la responsabilité unique des curés affectataires?

Nos églises sont des signes visibles et estimés de l’histoire chrétienne de notre pays et c’est à nous de montrer qu’elles ne sont pas devenues des musées. Évêques, nous encourageons nos communautés à prendre des initiatives et nous nous réjouissons de celles qui permettront à nos églises de remplir la vocation pour laquelle elles ont été construites : rencontrer Dieu.

La réflexion sur l’utilisation des églises est étroitement liée aux questions culturelles et patrimoniales. Elle se mène en France dans le contexte des lois dites de séparations de 1905-1907. Cette jonction entre la foi et la culture est une donnée ancienne et précieuse de la vie de l’Église. Dans ce partenariat qui existe depuis des siècles, la tonalité de notre réflexion repose sur trois convictions qui résonnent comme trois appels :

  • Le dialogue. Il est la qualité première à cultiver. Il se joue avec des partenaires multiples. Il nous faut promouvoir une culture du dialogue avec les élus, «les mondes » de la culture, de l’art, du patrimoine et du tourisme. Notre position d’affectataire ne nous empêche pas d’accueillir avec reconnaissance les apports de nombreux spécialistes dans ces domaines, sans oublier le dialogue avec les habitants ordinaires, souvent attachés à leur église.
  • La vigilance. Elle est nécessaire. Si le Code de droit canonique (canon 1210) admet volontiers la possibilité pour une église d’accueillir des manifestations culturelles, cet usage est toujours à discerner. L’idée, parfois émise, d’une affectation mixte des bâtiments églises nous semble devoir être rejetée. On ne peut pas passer du culte à la culture de façon indifférenciée.
  • L’espérance. Elle doit tout dominer. Il ne s’agit pas pour nous de simplement cohabiter avec le monde de la culture ou du patrimoine. Bien plus qu’une cohabitation forcée cette réalité suscite en nous de l’espérance. L’espérance que notre Église soit toujours, à travers ses églises, ce lieu de la rencontre, de l’accueil et du dialogue.

Nous ne voulons pas «positiver » à tout prix et oublier combien nos églises peuvent aussi être une charge financière et matérielle à dimension très chronophage. Nous savons les complexités de certaines situations, et nous plaidons pour que nos églises soient considérées par les chrétiens comme une chance à saisir plus que comme un fardeau à porter. Une mobilisation forte du peuple de Dieu dans ce domaine est souhaitée. Nous invitons les diocèses à se doter – si ce n’est déjà fait – de cellules de veille et de vigilance dans le suivi des bâtiments.

Les membres du groupe de travail avaient décidé que les deux années de réflexions et d’auditions multiples se concluraient par un colloque. Il a eu lieu, le 10 mars 2017, au Collège des Bernardins. Les quelque deux cents participants ont pu mesurer davantage, à la fois la complexité du sujet, son extrême actualité et la diversité des protagonistes. Vous trouverez dans la deuxième partie de ce document les textes des conférences données lors de ce colloque.

En ce temps où notre pays voit se développer des fractures sociales et des communautarismes de tous ordres, il n’est pas anodin que la question des églises soit un sujet fédérateur. Le titre même de notre colloque «Les églises, un enjeu pour tous » disait à lui seul l’orientation de notre réflexion. Finalement, la façon dont nous considérons nos églises en dit long sur la façon dont nous sommes l’Église dans le monde de ce temps.

Que la lecture de ces pages encourage le lecteur à s’engager à son tour pour une si belle cause, assurément plus grande qu’il n’y paraît à première vue.

MGR JACQUES HABERT
Évêque de Séez
Membre du Conseil pour les mouvements et associations de fidèles
Responsable du groupe de travail « Les églises, un nouvel enjeu pastoral »

Lu sur Riposte catholique

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