On a rarement agi de manière aussi sournoise et aussi désinvolte pour nos institutions !
Le 23 avril 2014, le gouvernement présente un projet de loi au Sénat. Ce projet comporte huit articles et consiste, en gros, à adapter au droit pénal français des mesures européennes. Le Sénat (majorité de droite) fait son boulot et adopte le texte le 5 novembre 2014. Le lendemain, le texte est transmis à l’Assemblée nationale (majorité de gauche) qui en profite – c’est là que gît la sournoiserie – pour truffer le texte d’amendements qui n’ont rien à voir avec le projet initial et que, évidemment, le Sénat n’a pas pu discuter. Anabolisé, le texte est passé de 8 à 36 articles ! L’Assemblée, évidemment, approuve le texte.
Le Sénat s’étouffe d’indignation !
Pour passer en force, le gouvernement utilise la « procédure accélérée ». Le 2 juillet dernier, la commission mixte paritaire, issue de cette procédure, constate l’impossibilité de mettre d’accord les deux assemblées. Le texte repasse au Sénat, qui le rejette le 23 juillet 2015. L’Assemblée nationale le reçoit le même jour et, ayant le dernier mot, l’approuve. Fin de l’histoire puisqu’en cas de désaccord, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot.
Le Sénat, outré, en appelle au Conseil constitutionnel. Saisis le 24 juillet, les sages rendent leur décision vingt jours plus tard : ils retoquent toutes les mesures ajoutées en douce par le gouvernement. Ces mesures, disent-ils, qui « n’ont pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial, ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; que, dès lors, ces articles sont contraires à la Constitution ». En langage clair, cela signifie que le ministre de la Justice se fiche de la loi fondamentale comme de son premier tricycle !
Quelle paire de claques ! Le Monde – oui, vous avez bien lu : Le Monde, et pas Le Figaro ou Valeurs actuelles – titre : « Le Conseil constitutionnel inflige un cinglant désaveu à Christiane Taubira. »
Cette « mésaventure » est exemplaire de la façon de procéder de ce gouvernement : on biaise, on feinte, on blouse, on bourre le mou, on entourloupe, on ment… Finalement, ces gens-là rendent la politique visqueuse. Et, à ce petit jeu, la grande prêtresse est incontestablement Taubira : chez elle, rien n’est clair, tout est trouble, truqué, opaque, et le Conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé.
Elle n’est pas seule dans la charrette, la Taubira : le projet a été présenté au nom du Premier ministre, M. Valls, et le texte, contraire à la Constitution, a été approuvé et signé par Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, en attendant d’être promulgué par François Hollande.
Quelle sanction pour de tels agissements ? Aucune ! Les malfaisants restent en place, contents d’eux : pris en flagrant délit de tricher et de vouloir éliminer le Sénat et, partant, de tordre le cou à la Constitution de la France, ils s’accrochent à leurs pauvres fauteuils comme des arapèdes au rocher.
Une honte !

Yannik Chauvin – Boulevard Voltaire

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