Les mots ont beaucoup plus d’importance que l’on ne croit. Ce ne sont pas de simples signaux, juste destinés à nous faire réagir correctement. On le sent trop souvent, pourtant, dans la classe politico-médiatique où les mots ne valent la plupart du temps, que pour leur charge émotionnelle : communion ou indignation. Il est nécessaire d’aller au-delà de ces élans trop sensibles.
Le mot multiculturalisme qui désigne couramment le projet de société que l’on nous prépare, est particulièrement important, c’est un mot à démythifier. Le pape François en fait le symbole de son programme politique pour l’Europe. C’est au nom de son engagement multiculturaliste qu’il vient de recevoir le prix Charlemagne décerné par la ville d’Aix la Chapelle, ancienne capitale de l’Empereur.
Le multiculturalisme aujourd’hui, c’est bien. On pourrait même dire : c’est le Bien, avec une majuscule. En son nom on reçoit les migrants. En son nom, on projette d’enseigner l’arabe en classe de cours préparatoire (merci Najat). Le multiculturalisme a de l’avenir, c’est le nom de notre avenir. Mais que signifie ce nom ?
L’ancien ministre Benoît Apparu vient de twitter : « Oui au multiculturalisme, non au communautarisme, c’est cela l’identité heureuse ». Où l’on constate l’utilisation d’un langage qui ne vaut plus que par la connotation morale que l’on attache aux mots-clés. Comme dans la cure anti-tabac vue, côté comique, par les Inconnus : on y répète en chœur « Pas bon » ou « Bon », selon qu’il y a ou non de la fumée (de cigarette) sur la photo.
Apparu nous fait la leçon citoyenne sur le même mode que la cure anti-tabac : le multiculturalisme, c’est bon. Le communautarisme, c’est pas bon. Il ne se rend même pas compte que les deux mots désignent la même réalité : une société faite de communautés juxtaposées qui ont chacune leur culture et ne communiquent entre elles que pour des raisons purement administratives.
Le tweet de Benoît Apparu s’est attiré une magnifique réponse de Charles Beigbeder, entrepreneur et conseiller d’arrondissement à Paris, qui crie : Danger !, en expliquant : « Une France multiculturelle serait une nation où chaque immigré pourrait revendiquer sa langue, sa culture, ses mœurs, son histoire et ses traditions d’origine, à parité avec la langue et la culture historiques du pays d’accueil. En fait, ce ne serait plus une nation au sens où l’entend traditionnellement Renan quand il évoque ”la volonté de continuer à faire valoir l’héritage que l’on a reçu indivis“. Car, dans votre système, il n’y a plus ni langue officielle ni culture commune, rien qu’un supermarché des cultures qui vivent juxtaposées les unes aux autres dans une sorte de magma informe où le poids démographique d’une communauté serait le seul critère de légitimation d’une culture ».
Il faut absolument quitter la pensée par slogans, quitte à envisager de réapprendre à réfléchir. Pas toujours commode pour des adultes ! En tout cas le livre de Charles Beigbeder qui vient de paraître, Charnellement de France (éd. Pierre-Guillaume de Roux) fournit une magnifique occasion de réfléchir à notre identité, à la crise de transmission que nous organise l’Éducation nationale et au fait que la crise dans laquelle nous nous enfonçons est culturelle d’abord.
La première chose à faire est de transmettre notre culture à ceux qui veulent vivre avec nous. Je ne parle pas seulement des immigrés, mais aussi de ces petits blancs décérébrés, pour lesquels on peut dire que, outre leur ordinateur, il n’y a que l’argent qui compte.