L’image de l’islam et des musulmans en France

 

 

De nombreux sondages ont déjà été effectués sur ce thème de l’image de l’islam et des musulmans. Tous semblent montrer une société Française ne faisant que se durcir ou se refermer.
Afin d’apporter une information objective et complète, Odoxa et le Parisien-Aujourd’hui en France ont voulu mesurer toutes les perceptions des Français sur ce sujet… c’est-à-dire appréhender les difficultés que les Français non musulmans percevraient concernant cette religion, mais aussi leur perception de la difficulté/facilité à être un musulman en France aujourd’hui. A travers les principaux enseignements de cette étude, on mesure combien nos concitoyens sont moins faciles à cataloguer et moins manichéens qu’on ne semble souvent le croire.

Voici les principaux enseignements de notre sondage :

1 – Près des deux-tiers des Français (63%) disent mal connaître la religion musulmane

2 – Les Français sont une majorité à juger que « les musulmans mettent le plus en avant possible le fait qu’ils sont musulmans »… mais ni les sympathisants de gauche, ni les personnes qui connaissent bien des musulmans ne partagent cette opinion

3 – Pour une large majorité de Français, l’islam ne porte pas en elle les germes de la violence mais est au contraire une religion aussi pacifiste que les autres

4 – Les attentats n’ont pas altéré l’image qu’ont les Français des musulmans de France

5 – Les Français sont convaincus que l’islamophobie progresse en France et ils estiment majoritairement qu’il est plus difficile d’être un musulman en France depuis ces dernières années

 

Plus des trois-quarts (77%) de nos concitoyens connaissent des musulmans contre seulement 23% de Français qui disent n’en connaître aucun. C’est évidemment une proportion colossale, même si elle doit être relativisée, car dans leur majorité, la plupart des Français ne connaissent pas dans un premier cercle de proximité ces musulmans, mais disent plutôt qu’ils ont « des connaissances dans leur entourage qui sont musulmanes » (63%). En fait, seuls 14% de nos concitoyens ont un niveau de connaissance réellement plus étroit de l’islam et des musulmans, car ils sont, soit eux-mêmes musulmans, soient ont des parents musulmans ou ont des amis ou très proches qui le sont.

Conséquence probable de cette connaissance « à distance » de l’islam et des musulmans, les deux-tiers de nos concitoyens (63%) avouent mal connaître la religion musulmane, contre seulement 36% qui estiment bien la connaître. C’est un résultat important qu’il faut avoir à l’esprit lorsque l’on traite et interprète tout sondage sur l’image de l’islam et des musulmans.
Il est en effet rare que près de 2 Français sur 3 ne sachent finalement pas grand-chose du sujet sur lequel ils seront amenés à se prononcer. Or, alors que de très nombreux sondages sur l’image de l’islam et des musulmans ont été publiés, cette première information de contexte n’a guère été soulignée jusqu’à présent.

L’autre élément important s’agissant de la connaissance réelle de l’islam par les Français, est que cette moyenne masque en réalité de grandes disparités, pas tant politiques que sociologiques, notamment au niveau de l’habitat et de l’âge :
Plus on est jeune et plus on estime bien connaître la religion musulmane (47% auprès des 25-34 ans, contre 37% auprès des 35-49 ans et 31% chez les plus de 50 ans).

Plus on habite en zone urbaine et plus on estime aussi la connaître : 45% de connaissance perçue auprès des personnes habitants en agglomération parisienne contre 27% auprès de celles habitant dans les villes de province de moins de 20 000 habitants. Assez logiquement, ceux qui pensent bien connaître la religion musulmane sont bien plus nombreux dans les régions où l’immigration africaine et nord-africaine a été plus importante, comme en IDF (41%) ou dans le Sud-est (39%), que dans des régions où celle-ci a été moins importante, comme le grand quart Nord-ouest de la France par exemple (seulement 25% de bonne connaissance perçue).

Mais, le plus intéressant dans ce résultat n’est pas tant cet écart sociologique logique et prévisible que le fait que même auprès des Français les plus jeunes, des habitants des régions à plus forte concentration d’immigration issue de pays musulmans, et même auprès des plus urbains de nos concitoyens une majorité de sondés reconnait finalement mal connaître la religion musulmane.

 

2 – Les Français sont une majorité de 55% contre 44% à juger que « les musulmans mettent le plus en avant possible le fait qu’ils sont musulmans »… mais pas les sympathisants de gauche, ni les personnes qui connaissent bien des musulmans

On le dit à juste titre au regard des enquêtes d’opinion, les positions des Français à l’égard de l’islam et des musulmans se sont nettement durcies ces dernières années.
Testée pour le Figaro par l’Ifop, une question barométrique montre que depuis 2010 les deux-tiers des Français estiment les personnes d’origine musulmane ne sont pas bien intégrées dans la société française. Sur ce même sondage, les Français étaient en 2012 de plus en plus nombreux à estimer (60% et +5 points entre 2010 et 2012) que la visibilité de l’islam en France était aujourd’hui « trop importante ».

De fait, notre sondage confirme que ce sentiment est toujours majoritairement présent chez nos concitoyens.
55% des Français estiment ainsi que « dans leur majorité, les musulmans de France mettent le plus possible en avant le fait qu’ils sont musulmans » contre 45% qui estiment à l’inverse que « dans leur majorité, les musulmans de France se montrent discrets dans la pratique de leur foi ».
Mais derrière les moyennes des sondages se cachent en réalité une profonde fracture dans l’opinion entre le « peuple de gauche », qui lui, estime très majoritairement que les musulmans sont pour la plupart « discrets dans la pratique de leur foi » (65%), et le « peuple de droite » qui, au contraire, est convaincu que la majorité des musulmans « chercherait le plus possible à mettre en avant le fait qu’ils sont musulmans ». 71% des sympathisants de droite et 91% de ceux du FN partagent ce sentiment sur leurs compatriotes musulmans.
Mais ce profond clivage politique n’est pas le seul à traverser la société française s’agissant de l’islam.
Les variables d’urbanité vs ruralité et de territoire jouent encore assez fortement, mais plus que tout, c’est la proximité individuelle du répondant avec des personnes musulmanes qui modifie le plus les jugements à ce sujet :
Ainsi, les Français vivant en proximité forte avec des musulmans (dont les musulmans eux-mêmes) sont une majorité de 54% à juger que les musulmans sont discrets dans la pratique de leur foi ; ceux-qui parmi nos concitoyens ne connaissent que de plus loin des musulmans sont 45% à le penser, et ceux qui ne connaissent aucun musulman sont près des deux-tiers (65% contre 34%) à juger au contraire que les musulmans « chercheraient le plus possible à mettre en avant le fait qu’ils sont musulmans ».
Bref, moins on connaît l’islam et les musulmans, plus on pense que la majorité de ses pratiquants seraient dans une recherche d’affirmation identitaire.

3 – Pour une large majorité de Français, l’islam ne porte pas en elle les germes de la violence mais est au contraire une religion aussi pacifiste que les autres

Si les enquêtes d’opinion publiées ces dernières années sur l’image de l’islam et des musulmans enregistrent bien un réel durcissement de l’opinion (notamment sur le port du voile ou du foulard et sur la visibilité de l’islam), elles oublient souvent d’aborder un autre angle de vue : une très large majorité de Français refuse tout amalgame entre l’islam et la violence ; et ce, malgré – voire surtout –avec les attentats islamistes et les crimes de Daesh.

Pour 57% des Français, « l’islam est une religion aussi pacifiste que les autres et le djihadisme est une perversion de cette religion » quand seulement 41% de nos concitoyens estiment à l’inverse que « même s’il ne s’agit pas de son message principal, l’Islam porte malgré tout en lui des germes de violence et d’intolérance ».

Durablement convaincus de cela, les Français l’étaient plus encore à la fin du mois de janvier dernier, soit une quinzaine de jours après les attentats de Charlie et de l’hyper-casher… A l’époque, ils étaient encore plus nombreux qu’aujourd’hui à le penser : 66% contre 33% sur l’enquête Ipsos pour Sopra, le Monde et Europe 1 réalisée les 21 et 22 janvier derniers.
Mais c’était la phase assez extraordinaire de fierté et d’union nationale, où même nos dirigeants politiques étaient respectés par les Français, qui s’est lentement éteinte. Un temps qui semble aujourd’hui bien loin de nous.

Sur ce sujet de la violence et de l’islam, les Français sont encore une fois largement partagés, entre les sympathisants de gauche, qui pour les trois-quarts d’entre eux (73%) perçoivent l’islam comme une religion aussi pacifiste que les autres, et ceux de droite (57%) et surtout du FN (79%) qui sont persuadés à l’inverse que l’islam porterait en lui les germes de la violence et de l’intolérance.

De nouveau, l’autre facteur de clivage est le niveau de proximité avec des musulmans : alors que les Français les plus en proximité avec des musulmans sont 73% à être convaincus du pacifisme de l’islam ; ceux qui les connaissent un peu moins (connaissances) sont 57% à le penser… et ceux qui ne connaissent aucun musulman ne sont qu’une minorité de 46% à juger que cette religion est pacifiste.

4 – Les attentats n’ont pas altéré l’image qu’ont les Français des musulmans de France

Comme le montrait parfaitement le sondage Ipsos précité effectué seulement quinze jours après les attentats, les Français ne font aucun amalgame entre les musulmans de France et les terroristes djihadistes. Ils nous le disent d’ailleurs assez clairement dans notre enquête : après les attentats de janvier 2015 63% des Français estiment que leur image des musulmans de France est « restée inchangée » et seulement 34% disent qu’elle a été « modifiée en mal » (et 2% qu’elle a été « modifiée en bien »). Et encore, le profil de ceux qui estiment que leur perception des musulmans s’est détériorée invite à relativiser la portée réelle de cette dégradation. En effet, pour l’essentiel il s’agit des catégories de la population qui avaient structurellement une plus grande distance et une plus grande défiance à l’égard de l’islam : les sympathisants de droite (42% de « dégradation »), ceux du FN (58%) et ceux qui disent ne pas connaître de musulmans (42%).

A l’inverse, les catégories de la population qui avaient et ont le plus une bonne image de l’islam sont nettement moins nombreuses à nous dire que leur image s’est dégradée depuis les attentats : 29% des sympathisants de gauche et 32% des personnes ayant des musulmans parmi leurs proches.

5 – Les Français sont convaincus que l’islamophobie progresse en France et ils estiment majoritairement qu’il est plus difficile d’être un musulman en France depuis ces dernières années

Si les Français critiquent la visibilité de l’islam en France, ils jugent aussi très majoritairement que l’islamophobie progresse en France. Plus des trois-quarts de nos concitoyens (76%) font ce même constat.
Un relatif consensus entre gauche, droite et extrême-droite existe même pour une fois à ce sujet : 66% des sympathisants du FN, 74% de ceux de la droite en général et 84% des sympathisants de gauche partagent ce sentiment d’une poussée de l’islamophobie. Mais il s’agit d’un consensus sur le constat, pas nécessairement sur le regret… il est probable que le niveau de gêne que cela occasionne aux uns et aux autres ne soit pas les mêmes.

Ce constat est d’ailleurs tout aussi partagé par les musulmans et leurs proches (79%), que par ceux les connaissent un peu moins (75%), voire pas du tout (76%).

Corolaire logique à ce sentiment partagé par tous les Français que l’islamophobie progresse, les Français sont aussi très nombreux, et même symboliquement une majorité (50% contre 49%) à estimer qu’il est « plus difficile d’être un musulman en France depuis ces dernières années ».

Contrairement à celle sur la poussée de l’islamophobie, cette question « clive » totalement la société française.
L’idée selon laquelle il serait « plus facile » d’être un musulman en France depuis ces dernières années est largement répandue parmi les sympathisants de droite (59%) et du FN (75%) et plus globalement parmi les Français déclarant ne connaître aucun musulman (51%).
A l’inverse, le sentiment que les musulmans seraient davantage victimes et qu’il est « plus difficile d’être un musulman en France depuis ces dernières années » est majoritaire auprès des jeunes (55% des 18-24 ans) et des urbains (53%) et surtout est très majoritaire auprès des sympathisants de gauche (65%) et des personnes ayant parmi leurs proches des musulmans (69%).

Bref, loin d’être univoques et facilement « cataloguables » les perceptions des Français sur l’islam et les musulmans sont plus complexes et moins manichéennes qu’on ne les présente trop souvent.
Sans doute est-ce là une leçon à méditer pour certains hommes politiques cherchant à instrumentaliser ces sujets en croyant savoir ce qu’espèrent entendre leurs électeurs… on peut rêver.

Odoxa (Cliquer sur ce lien pour davantage de précisions)

Related Articles