Le Gouvernement français et le docteur Sanchez ont décidé de faire mourir Vincent Lambert en violation du droit international.
Interview de Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ pour Valeurs actuelles.
Valeurs Actuelles : Alors que le Dr Sanchez a commencé la sédation profonde de Vincent Lambert ce lundi matin, ses parents ont déposé en même temps un ultime recours devant la CEDH. Pourquoi ?
Grégor Puppinck : Parce que le Dr Sanchez et le Gouvernement français s’acharnent à vouloir faire mourir Vincent Lambert en violation du droit international. À deux reprises, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a demandé à la France, au titre de « mesures provisoires ou conservatoires », de maintenir l’alimentation et l’hydratation de M. Vincent Lambert, au moins pendant la durée de l’examen de son dossier par ce Comité. Mais le Gouvernement français « s’assied » honteusement sur le droit international, comme si la mort de ce pauvre homme était pour lui une affaire d’État.
Il faut bien comprendre que c’est en violation du droit international, avec la complicité de l’État, que le Dr Sanchez a décidé de provoquer la mort de M. Vincent Lambert.
Jusqu’à présent, les parents n’ont rien obtenu des juridictions françaises. Le tribunal administratif s’est aligné sur la position du gouvernement, tandis que le juge judiciaire et le défenseur des droits se sont déclarés « incompétents ». C’est pourquoi, ils saisissent une nouvelle fois la CEDH pour qu’elle ordonne à la France de respecter ces mesures provisoires.
Selon vous, la France a-t-elle l’obligation de respecter les mesures provisoires ?
Oui, bien sûr. Tous les juristes sérieux s’accordent là-dessus. La France a librement ratifié la Convention des droits des personnes handicapées de l’ONU et son « protocole facultatif ». Celui-ci a chargé le Comité des droits des personnes handicapées de veiller au respect de la Convention par les États, et lui a donné le pouvoir de recevoir des « plaintes individuelles » -comme celle introduite par les parents Lambert-, et de demander le respect de mesures provisoires ou conservatoires qui s’imposent. Le gouvernement est donc tenu de respecter la parole de la France ; c’est le principe fondamental du droit international, suivant l’adage « Pacta sunt servanda » qui commande que tout traité en vigueur soit exécuté de bonne foi.
Le gouvernement actuel prétend que le respect de ces « mesures provisoires » ne serait pas obligatoire. Mais cela est faux. Pour preuve, lorsqu’un pays viole de telles mesures provisoires, il est systématiquement condamné par les instances internationales. Cela s’est produit au Comité des droits de l’homme des Nations unies, au Comité international contre la torture, à la Cour européenne des droits de l’homme, ou encore à la Cour internationale de Justice. Cela est donc parfaitement établi, et le Gouvernement français le sait. M. Toubon, le « Défenseur des droits » chargé de faire appliquer en France la Convention sur les droits des personnes handicapées, a eu l’honnêteté de déclarer que « les mesures provisoires demandées par les comités des Nations Unies doivent être respectées par l’État, au risque d’entraver l’exercice effectif du droit de plainte prévu par le Protocole facultatif ».
Que se passera-t-il si la France ne respecte pas les mesures provisoires et que M. Vincent Lambert en meurt ?
Certes, l’ONU ne peut pas envoyer des « casques bleus » au CHU de Reims. Mais la France est tenue par sa parole. Il est donc certain que si M. Vincent Lambert meurt, la France sera condamnée par l’ONU. Cette condamnation ouvrira droit à réparation pour les parents de Vincent Lambert. Ils pourront se retourner en justice contre le gouvernement, le CHU mais aussi contre le Dr Sanchez, car la demande du Comité lui a été notifiée personnellement.
Mais il sera trop tard pour Vincent Lambert ; et entre temps, le gouvernement aura changé.
Nous voyons bien que pour le gouvernement, la mort de Vincent Lambert est une exigence politique. Et que la politique prime le respect de la justice. Le but politique est d’utiliser la mort de Vincent Lambert pour « faire passer » la légalisation de l’euthanasie. Il faut que Vincent Lambert agonise devant les caméras pour justifier l’euthanasie active des personnes handicapées.
Mais à ce jour Vincent Lambert n’est pas mort, la sédation peut encore être arrêtée sans dommage pendant les 2 à 3 prochains jours.
Que pourrait dire la Cour européenne des droits de l’homme ?
En droit, je suis convaincu qu’elle devrait donner raison aux parents Lambert, et demander au gouvernement de respecter les « mesures provisoires » demandées par l’ONU. La Cour européenne ne peut pas tolérer que le Gouvernement français bafoue ainsi ostensiblement, et fragilise, le système de protection internationale des droits de l’homme.
La Cour ne peut pas donner raison au gouvernement français et déclarer les « mesures provisoires » non obligatoires, non seulement parce que ce serait faux juridiquement, mais aussi parce que la Cour ruinerait alors l’autorité de ses propres mesures provisoires. Il est donc impossible que la CEDH déclare non obligatoire le respect les mesures provisoires. La Cour européenne a donc tout intérêt à donner raison aux parents Lambert et à venir à la rescousse du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies.
Mais cette affaire est politique, et même idéologique, bien plus que juridique. Il faut espérer que la Cour européenne aura le courage de juger en droit sur le fond, et qu’elle ne bottera pas en touche. Son honneur est en jeu.
En pratique, comment la nouvelle requête va-t-elle être traitée à la CEDH ?
La Cour va certainement se prononcer dans les 48 heures. La décision sera prise soit par une chambre, c’est-à-dire par sept juges, soit par un juge seul. Nous ne le saurons pas. À la différence des jugements de la Cour, les décisions sur les mesures provisoires sont anonymes, seul apparaît le nom du greffier. Le nom des juges, et en particulier du rapporteur (celui qui s’est occupé de l’affaire), n’est jamais mentionné à la CEDH.
Mais c’est un usage fréquent au sein de la Cour européenne que de confier ce type de requête au juge national, c’est-à-dire au juge siégeant au titre du pays poursuivi, car c’est lui qui connaît le mieux le droit national. C’est problématique, pour des raisons évidentes, surtout lorsque ce juge est proche du gouvernement (voire du Président), ce qui est souvent le cas car les juges internationaux sont désignés sur recommandation de leurs gouvernements respectifs. Ils ont donc une dimension politique, qu’ils conservent plus ou moins par la suite.
C’est d’ailleurs pour offrir une garantie supplémentaire de neutralité et d’indépendance que les Comités des Nations unies, à l’inverse de la CEDH, interdisent au juge national de statuer dans une affaire visant son pays d’origine. Il serait bon que la Cour européenne fasse de même.
Qui est le juge français qui pourrait trancher ?
Le juge siégeant au titre de la République est André Potocki, ancien Conseiller à la Cour de cassation. Il s’est déjà prononcé en faveur de la mort de M. Vincent Lambert en 2015. Il est étonnant que les français ne le connaissent pas, car il a un pouvoir considérable sur nos lois. Aux États-Unis, les juges de la Cour suprême, certes moins nombreux, sont très connus ; et personne ne fait semblant de croire en leur neutralité politique.
Cela dit, il n’est pas certain que le juge français statue à nouveau, car la CEDH interdit généralement aux États qu’un même juge puisse se prononcer deux fois sur une même affaire. Je ne vois pas pourquoi elle ne s’imposerait pas à elle-même cette règle en l’espèce.
Quoi qu’il en soit, l’affaire est simple, et la politique ne devrait pas interférer : il s’agit seulement de faire respecter le droit international, et non pas de prendre position sur l’euthanasie de Vincent Lambert. Il faut espérer que la CEDH ne fasse pas moins bien que le Comité des droits des personnes handicapées, et qu’elle fasse passer la justice avant la politique.
Pétition pour la protection de toute vie humaine.