C’est le premier temple mormon en France métropolitaine. Après vingt années d’attente, et plus de cinq ans de polémique pour obtenir le permis de construire, la communauté mormone française, qui a pour nom « Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours » inaugure cette semaine son premier temple en métropole, au Chesnay, près de Versailles. Un édifice assez massif, de 7 000 m2 qu’il est possible, à partir de ce samedi, de visiter, jusqu’au 13 mai, de manière exceptionnelle car on n’entre pas comme cela dans les temples mormons.
D’où viennent ces mormons ?
Des États-Unis. C’est une église née dans cette matrice du réveil protestant du XIXe américain, où il y a eu ce sentiment chez beaucoup d’Américains que les « derniers jours », la fin du monde, allaient venir rapidement, avec le retour du Christ. Cela a provoqué la recherche d’une plus grande ferveur religieuse, de piété, et une volonté de se « réformer » dans l’attente de ces derniers jours.
Mais les mormons se distinguent des autres formes de protestantisme car leur fondateur Joseph Smith (1805-1844) ajoute en quelque sorte un nouveau volet à la Révélation : un ange, du nom de Moroni lui aurait révélé l’existence d’un livre en « égyptien réformé », que Smith aurait traduit avant que l’ange ne le reprenne. Il raconte l’histoire de tribus d’Israël en Amérique, 600 ans avant notre ère, à qui Jésus serait apparu après sa Résurrection… Donc il y a une sorte de troisième testament, le Livre de Mormon.
L’existence de ce nouveau Livre « canonise », légitime en quelque sorte l’idée que le peuple américain est le nouveau peuple élu de Dieu, envoyé dans cette nouvelle Terre promise que sont les États-Unis.
Pourquoi accuse-t-on les mormons d’être une communauté fermée ?
Sans doute parce que leur foi dépasse l’individu seul, et concerne toute la famille au sens large, d’où cet aspect très communautaire de leur pratique. On peut espérer avoir le Salut ensemble, avec les membres de sa famille. Et non seulement les vivants, mais aussi ceux qui sont morts. L’idée est de penser que toute cette relation familiale se prolonge dans l’au-delà, à travers le « scellement » que l’on peut pratiquer dans un temple, de manière très solennelle : on se lie par le baptême ou le mariage, pour l’éternité. On peut aussi baptiser des membres de sa famille morts, ses ancêtres morts.
C’est pourquoi l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours fait beaucoup de généalogie. Créée en 1894, la Société généalogique d’Utah aurait recensé deux milliards de noms ! En France, depuis 1987, un accord passé avec les Archives nationales de France permet aux mormons d’accéder aux registres d’état civil. Mais ils n’ont jamais été recensés comme secte par le rapport parlementaire sur les sectes, ni par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
Est-ce qu’on peut dire qu’ils sont « chrétiens » ?
C’est assez discuté. Sur certains points importants, ils diffèrent, comme leur vision de la Trinité, où ils voient trois personnes différentes (et non une seule), et aussi l’affirmation que la prophétie continue, donc que la Révélation se poursuit, alors que pour les chrétiens elle s’est arrêtée avec Jésus. Ils ont encore un prophète, au sommet de cette Église, extrêmement hiérarchisée. Aujourd’hui, il s’agit de Thomas Morson, le plus ancien des douze apôtres qui sont le haut de la hiérarchie, un peu comme les cardinaux pour l’Église catholique.
Leurs célébrations sont-elles spéciales ?
Elles sont très recueillies et silencieuses. Il y a une grande différence entre les églises mormones et les temples mormons : les églises sont accessibles, on s’y retrouve le dimanche pour le culte autour de « la sainte cène ». En revanche, le temple est réservé à des cérémonies bien précises, les scellements, pour des baptêmes posthumes, et les mariages : on ne peut se marier que dans un temple, et jusqu’ici, les fidèles français devaient aller se marier en Allemagne. On n’y entre pas sans une autorisation, une « recommandation », et tous les rites se déroulent de manière très solennelle.
Pourquoi les mormons suscitent-ils une telle crainte ?
Peut-être parce que c’est une religion en très forte croissance dans le monde : on parle de 14 millions de fidèles, ce qui est sans doute exagéré. C’est que le prosélytisme est pour eux un passage quasi obligé. À partir de 19 ans pour les garçons, de 21 ans pour les filles, tous doivent partir en mission deux ans, pour faire des disciples. On les reconnaît, deux par deux, avec leurs chemises blanches et leur badge. En France notamment, où on est peu habitué à voir des religions ainsi faire de la publicité dans la rue, cela ne passe pas toujours bien. Par exemple, leur implantation et la construction du temple en Espagne n’ont pas posé autant de problèmes.
L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours a été enregistrée officiellement comme association de loi 1901 en 1952. Mais ils augmentent rapidement depuis les années 1980, on estime qu’ils sont environ 40 000 en France, mais au moins autant en Polynésie, où a d’ailleurs été construit le premier temple français.
Aux États-Unis, ils ont un poids politique manifeste : quatrième religion, ils sont très présents dans les instances politiques (Mitt Romney, ancien candidat à la présidentielle américaine en 2012, est un mormon). C’est dans leurs gènes, car ils sont convaincus qu’ils doivent être présents dans l’espace politique pour mettre en place le changement préalable à la venue du Fils de Dieu. Les mormons donnent beaucoup d’argent et sont très influents dans les batailles éthiques, où ils interviennent dans un sens très conservateur. Mais cela, c’est aux États-Unis. En France, ils se sont glissés dans le modèle laïc, et sont très discrets.
Enfin, leur rigueur morale peut rebuter, avec des positions très conservatrices sur l’homosexualité par exemple. Ils ont longtemps prôné la polygamie, mais ce n’est plus le cas. Ils mettent l’accent sur la famille, et sont très rigoureux. Ils ne consomment ni alcool, ni thé, ni café, ni tabac, jeûnent un jour par mois. Ils versent la dîme, soit 10% de leur revenu, à l’Église.
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