Les chats de Kotor

 

Les chats des rues de notre monde mèneraient-ils encore une vie d’enfer ? Rejetés dans les temps anciens, décharnés et affamés, ils se glissaient honteusement dans les venelles sombres des villes peu sûres à la recherche d’improbables subsistances, évitant les pierres des gamins et des gueux, fuyant la silhouette de chiens aux crocs aussi affamés qu’eux.

L’amour des vieilles pierres et celui des bêtes ayant autant évolué que les haines humaines stagnaient, on s’aperçut que les chats faisaient partie de cet écrin sombre qui recueille les échos des tourmentes, des amours et des sinuosités de la vie. Sur les monolithes de marbre ou les gravelles usées des villes anciennes, on comprit qu’ils transmettaient des échos, qu’ils étaient détenteurs d’ambiances et de témoignages, en plus d’une chaleur, vivante à défaut d’être humaine, qu’ils diffusaient, entre les guerres et malgré les oppressions désespérantes.

Kotor, au Monténégro, petit port d’Adriatique qui risque de devenir à la mode tant il est beau au bout de son canyon inondé en forme de fjord, fait partie de la petite dizaine de paradis pour chats qui ont été créés dans le monde, lorsqu’il a constaté que leur douce omniprésence jouant des ombres et des chaleurs, était un don de la Providence. On leur réserva alors, aux coins des ruelles et dans les recoins des architectures, de précieux espaces précis et répertoriés où les habitants sont enjoints de déposer leur nourriture quotidienne. On les voit maintenant, confiants, s’étirer au soleil entre les passants. Voilà pour les chats.

Maintenant pour les humains. Une Comtesse de rêve, Francesca di Mantica, y rendit possible l’ouverture d’un « Musée du chat », où de vénérables écrits anciens côtoient des images témoignant de l’histoire, des conflits, mais aussi des tendresses échangées avec les intellectuels, les politiciens, les artistes, qui trouvèrent chez les chats des instincts contradictoires mais dépourvus de perversité.

Tous les chats du monde habitent ce musée, même au-delà de la mort : pour deux euros, ils peuvent y être répertoriés et munis de certificat avec photo d’identité envoyée en JPEG. Alors chaque jour, un courriel donnera sur tous les ordinateurs du monde, des nouvelles des chats de Kotor.

Bernard Chupin – Présent

www.catsmuseum.org

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