Numero zero d’Umberto Eco

Dans “Numéro zéro”, Umberto Eco pointe la presse, les médias et la télévision dans un superbe exercice de politique fiction. Entre désinformation et manipulation…

Cinq ans après le Cimetière de Prague, le thriller historique qui nous plongeait au moment de l’affaire Dreyfus entre coups de poignard, confraternités diaboliques et conspirations des services secrets piémontais, français et russes, Umberto Eco nous revient avec une aventure qui se déroule, cette fois, à Milan, au milieu des années 90, en pleine période de scandales et de corruption.

Composé à la manière d’un tableau d’Arcimboldo, comme un assemblage de tous les fruits du monde médiatique et politique, Numéro zéro s’ouvre sur une mystérieuse réunion de rédaction : un étrange commanditaire, riche magnat à la tête d’un empire d’hôtellerie sur la côte adriatique, le commandeur Vimercate, convoque de jeunes talents des médias, embauchés pour lancer le projet Domani. Pendant un an, un tirage très limité de numéros zéro (ou numéros pilote) va révéler la vérité des affaires et mettre en difficulté les patrons de la finance, ainsi que les plus grands noms de la politique italienne.

Alors que la jeune équipe idéaliste croit participer à une renaissance morale de la presse indépendante, libre de toute pression, alors que ces journalistes d’investigation croient vivre une épopée digne du slogan du prestigieux New York Times, « All the news that’s fit to print » (« Toutes les nouvelles qui méritent d’être imprimées »), c’est en réalité un piège qui leur est tendu. Entre enquêtes bidon, crises du gouvernement, meurtres, complots – et même une tentative de coup d’Etat -, les six rédacteurs, Colonna, Maia Fresia, Cambria, Lucidi, Palatino et Costanza sont embarqués dans une plongée infernale au cœur de la désinformation et de la manipulation. Où est le vrai, où est le faux ? Comment éviter la calomnie et le chantage ? Que font ici les ombres du passé, comme celle, inquiétante, de Mussolini ?

Avec son regard amusé et lucide, à travers les tribulations d’un journal imaginaire, Eco pointe la presse, les médias et la télévision, si friands de révélations scandaleuses : Ecco il nostro mondo. « Voilà notre monde. » Entre planque de photographe et reportage choc, le romancier nous offre un superbe exercice de politique-fiction, tout en s’interrogeant sur ce que signifie aujourd’hui « s’informer ».

Numéro zéro d’Umberto Eco, traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano, Grasset, 235 p., 19 €

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