Utilisé depuis près de 2 000 ans en Chine, l’ejiao, un médicament traditionnel, avait quasiment disparu. Mais depuis quelques années, on le retrouve sur les étals des pharmacies et autres boutiques de bien-être chinoises. Censé fluidifier le sang, diminuer les effets des chimiothérapies ou encore améliorer la libido, ce remède prétendument miracle dont les Chinois raffolent coûte cher : jusqu’à 600 euros le kilogramme. S’il peut être consommé dans des boissons, des gâteaux ou même des pilules, l’ingrédient principal nécessaire à sa préparation ne varie jamais : il s’agit de gélatine extraite de peaux d’ânes.
Victime du regain de popularité de l’ejiao, la population d’ânes vivant en Chine a diminué de moitié ces vingt dernières années. On ne dénombre désormais plus que 5 millions de bêtes dans le pays. Aussi les industriels au cœur de ce commerce lucratif se sont-ils tournés vers une nouvelle réserve d’ânes : l’Afrique.
Leur quête d’approvisionnement met les populations d’ânes africains en danger. Car pour satisfaire l’appétit du marché chinois, il faudrait sacrifier jusqu’à 10 millions d’individus par an, alors qu’il n’en existe que 44 millions sur la planète… Face aux risques de voir l’espèce décimée, plusieurs pays, comme le Niger ou la Tanzanie, ont décidé d’interdire le commerce des peaux d’ânes. Mais les dérives sont nombreuses. Certains commerçants peu scrupuleux importent des ânes illégalement de pays où leur abattage est interdit, d’autres volent les bêtes des fermiers, allant jusqu’à les dépecer la nuit dans leurs enclos…
Nos reporters au Kenya ont remonté la trace de l’ejiao dans le pays, qui compte aujourd’hui environ 1,8 million d’ânes. Depuis 2016, trois abattoirs spécialisés appartenant à des Chinois ont ouvert et chaque année, des dizaines de milliers d’animaux y sont tués. Leurs peaux sont ensuite envoyées par porte-containers vers Hong Kong, via l’Océan Indien et la Mer de Chine. Les ONG de défense des animaux tirent la sonnette d’alarme : à ce rythme, d’ici six ans, l’âne, bête de somme essentielle pour le travail dans les champs, pourrait disparaître du Kenya.