Et son laissait crever les plus de 85 ans?

Alors que les Français – en tout cas les médias – s’offusquent ou feignent de le faire sur les propos du ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, laquelle dit réfléchir à titre privé au recul de l’âge de la retraite, nos voisins belges envisagent des solutions autrement plus drastiques pour régler leurs problèmes de finances.

À l’inverse des populations du sud de la Méditerranée, qui sont majoritairement jeunes, celles de notre Vieux Continent sont à son image : vieilles ou vieillissantes. En tout cas sur la seconde pente de la vie, dans le dernier tiers pour 24 % d’entre nous, et le dernier quart pour une proportion croissante, étant donné que l’espérance de vie ne cesse, elle, de reculer. On estime, ainsi, que l’espérance de vie en France, en 2060, sera de 86 ans pour les hommes et 91,1 ans pour les femmes.

Hélas, plus l’on avance en âge, plus le vieil adage se vérifie : pour vivre vieux, vivons couché (je sais, je l’ai un peu modifié, mais celui-là est plus parlant). Car si vivre vieux nous est vendu comme l’apothéose d’une existence réussie – la « silver écononomie » est très rentable –, encore faut-il regarder dans quel état l’on parvient à ces âges canoniques. Et la vérité m’oblige à le dire : c’est rarement en bonne santé ! Aujourd’hui, dans notre France dont le système de santé est, rappelons-le, l’un des plus performants au monde et, surtout, le meilleur marché pour le malade (eh oui !), l’âge moyen de perte d’autonomie est de 83 ans.

Vous allez me dire que tout cela va s’arranger. Qu’entre les exosquelettes à propulsion thermodynamique, les déambulateurs sur turboréacteur et les cabines de santé supra-connectées au coin du chemin vicinal, nous allons tous faire l’ascension du mont Blanc à 100 ans…

Personnellement, je n’ai rien contre la médecine robotisée et autres assistants personnels clignotants à roulettes, mais il faut regarder la réalité en face : tout cela a et va avoir un coût de plus en plus exorbitant pour nos finances déjà en berne. Que faire, alors ?

Pendant que nous nous étripons sur l’allongement de la durée de travail, nos voisins belges cherchent des pistes. Et comme le chien truffier levant sa truffe, ils viennent d’en trouver une belle : et si l’on arrêtait de soigner les vieux ?

Je vous sens inquiets… heu… c’est quoi, l’âge limite ? 85 ans.

C’est le quotidien Le Soir qui le révèle : une enquête portant sur les concessions que les Belges seraient prêts à accepter dans la couverture des soins, et menée par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), la fondation Roi-Baudouin et l’INAMI (Institut national d’assurance maladie-invalidité), est arrivée à cette aimable conclusion : « 40 % des Belges songent sérieusement à conserver l’équilibre de la Sécu “en n’administrant plus de traitements coûteux qui prolongent la vie des plus de 85 ans” ».

Le quotidien apporte également cette intéressante précision : « Les néerlandophones sont beaucoup plus enclins à exclure les personnes âgées de plus de 85 ans des soins plus onéreux. »Faut-il y voir les restes du bon vieux clivage entre sociétés catholiques et protestantes ? À réfléchir.

S’ils estiment trop lourd, socialement, d’administrer des traitements coûteux à des personnes dont l’espérance de vie est réduite, nos amis belges sont, en revanche, disposés à plus de tolérance envers ceux dont la santé est le cadet des soucis. Ainsi, « 46 % s’élèvent contre le non-remboursement des frais de maladie ou d’accident qui sont la conséquence d’une mauvaise hygiène de vie ». Ils veulent pouvoir continuer à fumer, manger des frites à la mayonnaise et des gaufres à la chantilly en buvant de la bière jusqu’à s’en faire péter la sous-ventrière.

Notez bien, ce n’est pas une mauvaise idée : avec un tel régime, ils seront morts avant d’atteindre le seuil des 85 ans. Ce qui fera autant d’économies.

Elle est pas belle, la vie ?

 

Marie Delarue – Boulevard Voltaire

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