Nous vivons une époque où l’exacerbation de l’islam nous fait nous interroger sur les mœurs musulmanes et la confrontation de la société musulmane avec la civilisation européenne. Rien de tel que l’histoire pour bien appréhender les problèmes et, sans doute, trouver les solutions.
Voici un exemple de martyr en terre musulmane, sachant que l’Afrique du nord fut initialement chrétienne, avec des centaines d’évêchés depuis Carthage (Tunisie actuelle) jusqu’à Volubilis (Maroc d’aujourd’hui). L’arrivée des Arabes, les persécutions et le statut de « dhimmi » (protégé de l’islam et sujet de dernier rang de la société musulmane) réduisirent jusqu’à l’anéantir la glorieuse Eglise d’Afrique.
Si l’on excepte le bienheureux Raimond Lulle, né à Palma de Majorque en 1235, qui mourut lapidé à Bougie pour avoir voulu y prêcher l’Evangile aux musulmans en 1315, toute l’Afrique du nord fut alors ensevelie dans un linceul de silence et de mort : ce sont les « siècles obscurs de l’islam » dont parle l’historien E.F. Gauthier dans son célèbre ouvrage : Le Passé de l’Afrique du nord. Seules quelques pépites ont été recueillies par des témoins extérieurs de passage sur cette terre inhospitalière.
Le vénérable Géronimo
Ainsi pour le nommé Jérôme (Hieronymos, Géronimo) qui était un enfant indigène né vers 1539, emmené captif lors d’une expédition autour de la citadelle dans les années 1542-1545 par les Espagnols établis à Oran. Cet enfant fut confié à un prêtre d’Oran, Don Juan Caro, qui l’instruisit dans la religion chrétienne et qui, eu égard à ses bonnes dispositions, lui donna le baptême sous le nom de Jérôme.
Lors de la peste qui sévit à Oran en 1547 des captifs musulmans, profitant du désordre, s’échappèrent, et ils emmenèrent le petit Jérôme âgé de huit ans, qui fut rendu à sa famille, et donc soumis aux us et coutumes musulmans.
En 1559, touché par la grâce, il revint à Oran et retrouva son premier protecteur, devenu vicaire général de la ville, qui le réconcilia et le ramena à la foi chrétienne. Engagé dans les troupes espagnoles, il se maria avec une jeune Mauresque convertie elle aussi au christianisme. En mai 1569, lors d’une opération militaire, Jérôme fut blessé et capturé par les Barbaresques et conduit à Alger.
Le dey d’Alger de l’époque était Euldj Ali qui, enfant, avait été enlevé sur les côtes de Calabre et converti à l’islam (euldj désigne un esclave chrétien au service de l’islam) ; il avait pris la direction des pirates d’Alger et était farouchement musulman : il voulut forcer Jérôme à professer l’islam, car la « charia » interdit au musulman, sous peine de mort, d’abandonner le culte musulman. Jérôme fut sommé de prononcer la « chahada » : il répliqua courageusement : « Redevenir musulman, jamais ! Plutôt y perdre la vie ! »
Furieux de son échec, le dey décida de faire un exemple. On construisait alors un fort près de la Porte de Bab el Oued : le fort dit des Vingt-Quatre Heures. En visitant le chantier, Euldj Ali aperçut un emplacement délimité par quelques planches que l’on devait remplir avec du pisé. Il appela le maître d’œuvre, un chrétien nommé Michel, et lui ordonna de laisser vide cet espace pour y ensevelir vivant ce « chien de chrétien ».
Enterré vivant
Averti par Michel du sort qui l’attendait, Jérôme se résigna et accepta chrétiennement la mort : il se confessa à un prêtre et passa la nuit en prière. Au matin, il put assister à la messe dans le bagne et recevoir la sainte communion. Cela se passait le 18 septembre 1569.
Amené devant Euldj Ali qui le somma encore une fois de revenir à l’islam, il s’y refusa énergiquement : « Chrétien je suis, chrétien je veux rester. » Descendu enchaîné dans la caisse à pisé, il fut enterré vivant, recouvert de terre et de cailloux compressés à coup de pilon sans qu’on entendît un cri ou qu’on le vît se débattre.
Le martyre de Jérôme fut connu de tous les chrétiens captifs et raconté aux nouveaux arrivants du bagne : le récit en fut fait à Don Diègue de Haëdo, réduit en esclavage de 1578 à 1581. C’est lui qui mit par écrit l’histoire du martyr quand il revint en Espagne et rédigea son grand ouvrage historique Topographie et histoire générale d’Alger. A la demande de l’évêque d’Alger, le P. Burlaton a traduit le texte relatif à Jérôme : Le Vénérable Géronimo. Le martyr du fort des Vingt-Quatre Heures (Alger 1931).
Le souvenir de Jérôme perdura pendant des siècles, y compris parmi les indigènes musulmans si bien que, lors de l’arrivée des Français en 1830, on tâcha de retrouver le corps du martyr. Mais ce fut en vain, jusqu’au 27 décembre 1853. L’évêque d’Alger, Mgr Pavy, en fut immédiatement informé, et il réunit une commission mixte qui établit les procès-verbaux de la découverte dans la maçonnerie du fort du squelette, qui était accompagné de restes de vêtements et des morceaux de corde. On confronta les procès-verbaux de la commission et le texte de Don Diègue de Haëdo ; un procès en béatification fut ouvert avec l’approbation de Pie IX, et la cause du martyr fut soutenue par ses successeurs, jusqu’à Mgr Leynaud qui fit travailler le P. Burlaton pour diffuser la dévotion du vénérable.
Les restes du martyr furent transférés dans la cathédrale d’Alger mais, pour diverses raisons, le procès en béatification en resta là. Si bien qu’aujourd’hui on peut se demander où sont passées les reliques du martyr, après l’abandon de la cathédrale aux musulmans par le cardinal Duval. Mais combien d’autres martyrs ont été oubliés dans les terribles événements de la guerre, puis de l’abandon de l’Algérie en 1962 !
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