Par Jean Yves Naudet*
C’est une excellente nouvelle, qui va à l’encontre des idées reçues, que vient de publier la Banque mondiale : la pauvreté recule dans le monde, y compris l’extrême pauvreté, et cela en dépit de la crise actuelle. L’extrême pauvreté est d’autant plus révoltante qu’on sait parfaitement la combattre ; seul l’aveuglement idéologique a maintenu des peuples dans la misère. Pour l’idéologie socialiste, c’est l’intervention massive de l’Etat qui peut régler le problème, alors que la vérité saute aux yeux des observateurs de bonne foi : c’est la liberté économique, à commencer par celle du commerce, qui fait reculer la pauvreté.
Deux fois moins de personnes dans l’extrême pauvreté
D’abord les faits : la Banque Mondiale (qui ne passe pas pour une officine ultralibérale) vient de rendre publiques les données préliminaires pour l’année 2010. Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté (soit avec moins de 1,25 dollar par jour, critère officiel) aurait été divisé par deux depuis 1990. Il s’agissait du premier Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD) défini par l’ONU, ainsi atteint avec 5 ans d’avance sur l’échéance.
Plus généralement, entre 1981 et 2008, donc sur une période plus longue, le nombre d’individus vivant avec moins de 1,25 dollar par jour a diminué de 650 millions. Ces personnes représentent désormais 22% de la population des pays en voie de développement ; c’est toujours trop, mais le recul est spectaculaire. Et cela d’autant plus que le chiffre lui-même de 1,25 dollar n’est qu’indicatif, car il ne quantifie que ce qui est monétaire et mesurable et le niveau de vie réel est heureusement supérieur. Mais en toute hypothèse, ce qui compte, c’est la réduction de moitié en vingt ans.
C’est en Asie orientale et au Pacifique que la réduction est la plus sensible, le nombre de pauvres passant de 77% de la population en 1981 à 14% en 2008 ! C’est en Afrique subsaharienne que le nombre de pauvres est encore le plus élevé, mais même là, le nombre de pauvres recule et pour la première fois c’est désormais moins de la moitié de la population africaine qui est en dessous de ce seuil d’extrême pauvreté (47% en 2008). Commentaire de Martin Ravaillon, directeur du groupe de recherche sur le développement de la Banque mondiale « le monde en développement a fait des progrès considérables dans sa lutte contre la pauvreté extrême ».
Les inégalités entre pays se réduisent
Bien entendu, il y a toujours beaucoup trop de pauvres dans le monde et il faut aller plus loin dans la lutte pour le développement. Mais encore faut-il prendre la mesure précise du phénomène et examiner les causes de ce progrès. Car ceux qui dénoncent le nombre encore trop élevé de malheureux réclament plus de programmes publics d’aide sans avoir sérieusement examiné les raisons du progrès actuel. Et ce n’est pas avec une mauvaise analyse des succès que l’on progressera encore.
Il faut aussi cesser de répéter que les inégalités s’accroissent entre pays riches et pays pauvres. Depuis des années, la croissance économique est nettement plus rapide dans les pays en développement que dans les pays développés ; donc les écarts diminuent. Le journal Le Monde, qui reste encore si prisé des milieux tiers-mondistes, et même altermondialistes, a consacré un éditorial à la une à cette question et on y lit ceci : « le rééquilibrage de la croissance au profit du monde en développement, qui s’est singulièrement accéléré depuis l’an 2000, a permis cette avancée. Avec des progressions fortes et soutenues de leur produit intérieur brut, la Chine, l’Inde et même l’Afrique subsaharienne, que l’on disait perdue, ont commencé à surmonter leurs handicaps économiques, éducatifs, sanitaires ou démographiques pour apporter un peu de mieux-être à leurs populations les plus démunies ». M. Bové et ses amis vont-ils cesser de lire Le Monde en l’accusant d’ultra-libéralisme ?
Et ce n’est pas fini !
Pire : Le Monde ajoute « cette heureuse évolution promet de se poursuivre, si l’on en croit les augures, puisque les pays en développement devraient continuer de contribuer pour les deux tiers à la croissance planétaire, voire pour les trois-quarts ». Le Figaro confirme à son tour cette analyse tout particulièrement à propos des grands pays émergents, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) « locomotives de la croissance » ; à eux cinq, ils représentent déjà 18% du PIB mondial, et 37% de la croissance en 2015 !
On ne sera pas surpris que Le Monde mette des bémols à cette analyse, expliquant que « le combat continue », dénonçant les inégalités intérieures à ces pays ou le fait que d’autres objectifs du millénaire ne soient pas atteints. Mais quand il dénonce la situation dramatique des pays en guerre, il ne fait en réalité que souligner l’importance d’un état de droit et d’un cadre institutionnel stable et reconnu par tous dans le développement. Et, miracle, il reconnaît même le rôle de la mondialisation dans le recul de la pauvreté, sans savoir si elle a joué un rôle plus ou moins grand que l’aide au développement.
La liberté économique, vrai moteur de la lutte contre la pauvreté
C’est là que l’analyse économique pourrait éclairer notre confrère, car les résultats sont sans appel : l’aide publique se perd et finit dans des poches privées ou des projets non productifs, alors que la liberté, à commencer par celle du commerce, a été le vrai facteur du progrès. Une nouvelle fois, nous devons renvoyer aux indices de liberté économique. Définition : « la forme la plus élevée de liberté économique assure un droit absolu à la propriété privée, permet une liberté totale de mouvement pour les salariés, capitaux et biens, et une absence totale de coercition ou de contraintes sur la liberté économique, sauf en cas de protection ou maintien de la liberté elle-même ».
Les pays ayant la meilleure note sont ceux qui se rapprochent le plus de cette définition. Pour cela, la Fondation Heritage et le Wall Street Journal retiennent dix critères, allant de la liberté d’entreprendre à la celle des échanges, en passant par le poids des impôts, les dépenses publiques, la dérèglementation, la libéralisation du travail, la protection de la propriété ou la stabilité monétaire. Les résultats sont sans appel. Plus la liberté économique est grande, plus le PIB par tête est élevé. Plus la libéralisation se développe, plus la croissance s’accélère. Le Cato Institute montre pour sa part que plus la liberté économique est grande, moins il y a de guerres, rejoignant ainsi le « doux commerce » de Montesquieu. N’en déplaise à tous les protectionnistes, la mondialisation et le commerce international représentent les premiers facteurs qui ont permis l’émergence des pays jusque là les plus pauvres.
Depuis 1995 l’indice de liberté économique a progressé de 2,6 points (sur 10) dans le monde : voilà le vrai facteur du recul de la misère. Oui, la pauvreté est un scandale aujourd’hui, parce qu’on sait comment la combattre. Même des organismes comme la Banque Mondiale doivent le reconnaitre. Il n’y a pas de meilleur moteur du développement que la liberté. Ceux qui, par ignorance économique ou aveuglement idéologique, nient cette évidence ont une responsabilité écrasante vis-à-vis de la situation des plus démunis.
*Jean-Yves Naudet est un économiste français. Il enseigne à la faculté de droit de l’Université Aix-Marseille III, dont il a été vice-président. Il travaille principalement sur les sujets liés à l’éthique économique.
Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
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