La correspondance Drieu – Paulhan

Les éditions Claire Paulhan ont récemment exhumé la correspondance entre Pierre Drieu la Rochelle et Jean Paulhan. On se demande parfois ce qui pousse certains éditeurs à sortir des cartons de vieilles lettres dont l’intérêt, le plus souvent, ne dépasse pas l’attelage de deux ou plusieurs noms fameux. Disons-le tout de suite, ce volume fait exception à la règle. Claire Paulhan a eu la bonne idée de confier la réalisation de ce volume à Hélène Baty-Delalande, laquelle avait déjà œuvré au volume que Gallimard a consacré aux œuvres narratives de Drieu dans la « Pléiade ». Son annotation précise donne au lecteur toutes les indications nécessaires pour ne pas se perdre dans l’intimité de lettres regorgeant de faits et de noms généralement oubliés aujourd’hui. Les allusions à des œuvres ou à des écrits des différents protagonistes ont également fait l’objet d’une annotation aussi rigoureuse que réduite à l’essentiel : la verbosité n’est pas le fait de Mme Baty-Delalande et nous lui savons gré de n’avoir pas cédé à cette facilité.

Les lettres ici recueillies couvrent les années 1925-1944, c’est-à-dire qu’elles s’échelonnent des débuts de la querelle qui opposa Drieu à Aragon, au suicide du premier, au mois d’août 1944. Jusqu’en 1934, l’échange épistolaire entre Paulhan et Drieu se limite aux lettres que s’envoient le directeur d’une revue prestigieuse – la nrf – et l’un de ses auteurs. Même si l’hostilité permanente, quasi obsessionnelle (mais peut-être est-ce la proximité opérée par le recueil qui donne cette impression ?), de Drieu à l’égard d’Aragon donne de l’intérêt à cette première section de la correspondance, il faut bien reconnaître que la guerre, d’abord entrevue, puis vécue, lui confère une dimension quasi tragique. Les deux correspondants savent en effet qu’ils vivent une période dont ils voient qu’elle accouchera d’un monde nouveau dont tout le monde ignore encore la nature : communiste, fasciste, libéral ?

Pour nous, qui vivons des temps où toute expression d’une conviction personnelle qui ne relève pas du prêt-à-penser indigeste de la moraline étatique est immédiatement passible des tribunaux et de la vindicte des médias, nous demeurons étonnés que deux hommes, qui pourtant ne partagent pas le même idéal, continuent de s’écrire, de se voir, de se dire combien ils sont hostiles aux idées de l’autre. Drieu aide Paulhan, arrêté au début de la guerre alors qu’il fait partie du réseau du musée de l’Homme. Paulhan, dès avant la Libération, salue la mémoire de celui qui l’avait remplacé à la tête de la nrf.

Nous finirons en ajoutant que les éditions Claire Paulhan nous offrent avec cette correspondance un beau livre : broché, imprimé sur un beau papier, assorti de nombreuses photographies et reproductions de documents.

Maxime Valérien – Présent

  • Pierre Drieu la Rochelle & Jean Paulhan, Correspondance, 1925-1944, éditions Claire Paulhan, 2017 (36 € chez l’éditeur).

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