Le projet de loi portant réforme du Code du travail était récemment révélé en avant-première par Le Parisien. Présenté comme une simplification nécessaire d’un droit du travail particulièrement contraignant pour les employeurs, le projet cache aussi nombreux dangers. Au-delà de la « flexisécurité à la française » et de la place accordée aux accords de branche, certains détails interpellent. Je m’attarderai principalement sur les dispositions qui consacreront et légitimeront les revendications communautaires au travail.
Myriam El Khomri, binationale franco-marocaine, a adhéré au Parti socialiste après le 21 avril 2002. Apparatchik du parti, elle est passée par toutes les étapes classiques de l’ascension personnelle à la sauce « sociétaliste ». Collaboratrice de la mairie du 18e arrondissement de Paris à partir de l’année 2001, Myriam El Khomri finit par être élue au Conseil de Paris en 2008 tout en poursuivant sa progression au sein des instances du parti (elle siège au conseil national à partir de 2008, puis au bureau national à partir de 2012). Adjointe au maire de Paris, chargée de la protection de l’enfance et de la prévention spécialisée de 2011 à 2014, avant d’être appelée au gouvernement Valls II pour prendre le portefeuille de secrétaire d’État à la Politique de la ville, l’actuel ministre du Travail est un véritable « bébé Delanoë ». Depuis l’élection de Bertrand Delanoë, la mairie de Paris est un laboratoire du communautarisme politique tel que l’a conceptualisé le groupe de réflexion Terra Nova.
Les propositions du projet de loi de Myriam El Khomri sortent tout droit du cerveau du cacochyme Robert Badinter. L’ancien garde des Sceaux publiait l’an passé, avec le professeur Antoine Lyon-Caen, un ouvrage intitulé Le Travail et la Loi. Quelques analyses étaient justes. En effet, notre Code du travail est trop volumineux et sa complexité peut terrifier certains petits patrons qui se retiennent d’embaucher. Mais d’autres points trahissaient le vieux fond « démocrate américain » de Robert Badinter, repris in extenso par le gouvernement. Hillary Clinton joue sur les clientèles communautaires pour les élections primaires : les femmes, les noirs, les latinos… François Hollande fera de même en 2017.
Robert Badinter écrivait ceci : « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.» Je pensais naïvement qu’un salarié devait avant tout travailler, voici qu’il peut maintenant « manifester ses convictions religieuses » !
En somme, le projet de loi El Khomri permettra aux représentants d’une communauté religieuse de demander des menus spéciaux à la cantine ou des horaires aménagés pour prier, sans que l’employeur ne puisse réellement s’y opposer. C’est là une terrible régression. Bientôt des syndicats religieux défendant l’application de la charia ? Bientôt l’obligation de construire des salles de prières dans les entreprises ? Il faut s’y opposer.