Frappé d’inéligibilité en 2013 après avoir été condamné à quatre ans de prison ferme pour fraude fiscale, une peine ramenée à un an grâce à une prodigieuse amnistie, l’ex-milliardaire Silvio Berlusconi, qui fut quatre fois président du Conseil et le seul leader au niveau mondial à avoir participé à trois G8, veut rempiler pour tenter encore une fois, dit-il, de sauver le monde de la débâcle. « Au bel âge qui est le mien, j’ai décidé, par sens des responsabilités, d’aller en Europe, là où il manque une pensée profonde sur le monde », a déclaré le vieux chef que l’on croyait déplumé. Et d’ajouter : « Le centre-droit représente l’avenir de l’Italie, de l’Europe et du monde, nous représentons une idée libérale de la politique qu’il nous faut défendre. »
L’idée du Caïman, le surnom qui lui fut affublé par le réalisateur italien Nanni Moretti, est en fait de tâter le pouls de l’électorat italien. Car l’homme est convaincu que le gouvernement de coalition formé par le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue ne peut pas durer.(…). L’objectif de Silvio Berlusconi est aussi de sauver son parti, que son ancien allié Matteo Salvini, le tout-puissant patron de la Ligue, est en train de dévorer tout cru. Car, après avoir convaincu plusieurs anciennes têtes d’affiche de Forza Italia que mieux valait passer le Rubicon pour se rallier à son panache, Matteo Salvini a également réussi à séduire une partie de l’électorat berlusconien, notamment dans les régions du Nord comme Milan et sa ceinture.
Pour convaincre les électeurs, le milliardaire va devoir ressortir sa vieille artillerie. Comme toujours, il va mobiliser les plateaux de télévision pour évoquer le péril que représenterait pour l’Europe l’arrivée des populistes au sommet de la pyramide bruxelloise. C’est dans cette même optique qu’il va multiplier les rencontres sur le terrain et aligner quelques millions pour organiser sa campagne dans les cinq circonscriptions italiennes où il se présentera comme de chef de liste du centre-droit. Tout cela pour remporter un fauteuil à Bruxelles et pouvoir revenir dans la course si une crise gouvernementale éclate à Rome juste après les européennes, comme le prévoient déjà de nombreux observateurs.
A ces calculs politiques s’ajoute aussi un autre élément peut-être plus important : celui de l’orgueil. Car, après avoir été chassé du Parlement par ses pairs au lendemain de sa condamnation et déchu de son titre de chevalier de l’Ordre du mérite du travail, Silvio Berlusconi, qui traîne encore quelques casseroles judiciaires, veut laver sa honte en recommençant à siéger dans un Parlement. (…)