L’abbé Henri Essex Edgeworth de Firmont (1745-1807), né en Irlande, mort en exil en Lettonie, fut le dernier confesseur de Louis XVI et son ultime confident avant que le roi ne monte à l’échafaud.
Les Mémoires qu’il a écrits sur ces jours inoubliables ont été publiés en 1815. Depuis, ils ont été réédités à de nombreuses reprises, sous différents titres (principalement Relation de la mort de Louis XVI, roi de France et Dernières heures de Louis XVI). L’abbé Edgeworth de Firmont a eu aussi un biographe (The Abbé Edgeworth, par M. W. Woodgate, publié à Dublin en 1945, a été traduit en français par les éditions Téqui en 1992).
Le P. Augustin Pic, qui est dominicain et professeur à l’Université catholique d’Angers, publie une nouvelle édition des Mémoires de l’abbé Edgeworth, accompagnée d’une trentaine de lettres, complètement inédites, et de diverses autres correspondances. Le tout est précédé d’une très longue « Introduction » (pages 17-170) qui contient à la fois une biographie d’Edgeworth, une histoire des éditions de ses écrits, l’examen d’une question controversée (l’abbé Edgeworth a-t-il été nommé vicaire général de Paris ?) et une présentation de sa pensée politique.
Fils d’anglicans convertis (que leur conversion a contraint à s’exiler en France), Edgeworth de Firmont a fait une partie de ses études au collège jésuite de Toulouse, où il a eu, peut-être, pour professeur le célèbre abbé Barruel. Qu’il l’ait eu pour professeur ou non, l’abbé Edgeworth a quelques points de parenté intellectuelle avec lui.
Edgeworth et Barruel
Avant d’être le dernier confesseur de Louis XVI, l’abbé Edgeworth fut le confesseur de la sœur du roi, Madame Elisabeth, à partir de mars 1791. C’est après la mort de son confesseur habituel, l’eudiste Hébert, tué dans la prison des Carmes début septembre, que Louis XVI s’enquit d’un nouveau confesseur. Peu après sa première comparution devant la Convention érigée en tribunal, le roi demanda à un de ses avocats, Malesherbes, de lui trouver un prêtre non-assermenté. « C’est le plus grand service que vous puissiez me rendre, lui dit-il, car vous aurez beau faire, je crois qu’il y aura un moment où je n’aurai plus besoin que de cela. »
Le P. Augustin Pic, dans sa très érudite et référencée introduction, examine l’historicité de la célèbre apostrophe de l’abbé Edgeworth à Louis XVI, alors qu’ils se trouvaient tous deux sur l’échafaud : « Fils de saint Louis, montez au ciel ». L’abbé ne rapporte pas cette exhortation dans ses Mémoires. Mais le bourreau Sanson la rapporte dans son Journal et d’autres sources y font référence.
Le P. Pic compare aussi, à plusieurs reprises, les analyses de l’abbé Edgeworth et celles de l’abbé Barruel, déjà cité. Signalons que l’ouvrage majeur de l’abbé Barruel,Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, qui présente la Révolution comme résultat d’un complot, est toujours disponible en librairie, même s’il n’est quasiment pas pris en compte par les historiens d’aujourd’hui. L’ouvrage, déjà réédité deux fois par les Editions de Chiré (en 1974 et 2005), a fait l’objet, en 2013, d’une réimpression revue et corrigée, avec une préface de Christian Lagrave.
A propos de la thèse de Barruel, le P. Pic note très opportunément : « la critique historique objective de la thèse de Barruel reste nécessaire pour en montrer les limites, mais les meilleurs résultats en ce domaine n’ont toujours pas réussi à l’invalider » (p. 137). Et « comme nouvelle preuve du sérieux de la thèse de Barruel », il renvoie au recueil documentaire publié par Charles Porset, éminent spécialiste de la franc-maçonnerie : Mirabeau franc-maçon (1996).
On ne peut relever tous les éléments intéressants contenus dans le livre du P. Augustin Pic, qui restera pour longtemps l’ouvrage de référence sur l’abbé Edgeworth et son exceptionnelle mission.
• Abbé Edgeworth de Firmont, Correspondance, récits, lettres inédites (1771-1806), édition établie, présentée et annotée par Augustin Pic, Cerf, 579 pages.
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