La Désintégration, de Philippe Faucon, c’est le film dont le souvenir a jailli de la mémoire des cinéphiles, au lendemain de l’attentat du 7 janvier contre Charlie Hebdo et des journées sanglantes des 8 et 9 janvier. Cela fait trois ans que cette fiction est sortie en salles, mais les images sont tenaces. Tel un diable à ressort dans le jeu enfantin, le personnage principal, Ali, s’impose et sort mécaniquement sa tête de la boîte. Mais certains voudraient bien la refermer, et ne pas voir…
L’histoire de ce film, depuis les premiers jours de sa fabrication, c’est d’avoir été tour à tour ignoré par les décideurs, puis remis sous les projecteurs, à la faveur de l’actualité. Son scénario, nourri par une longue enquête de terrain, est tristement prémonitoire. Dans une cité de la banlieue lilloise, trois jeunes basculent dans l’islam fondamentaliste, succombant au charisme d’un jeune prêcheur, Djamel. Nasser a un casier judiciaire et le sang chaud ; Nico est un petit Blanc en perdition, qui se fait appeler Hamza ; enfin, et surtout, Ali, interprété par Rashid Debbouze, jeune frère de Jamel, tombe de haut quand il se persuade qu’avec son nom de famille il ne trouvera pas de stage. Il a pourtant son bac pro ainsi qu’une famille aimante et « insérée », comme on dit. Sa mère, impuissante, assiste à la métamorphose. Son fils n’écoute plus que le prêcheur : dans le triptyque « Liberté, égalité, fraternité » de la République française, il faut comprendre « fraternité entre les Blancs », lui dit-il.