La grotesque affaire de réécriture de l’histoire, destinée à effacer le maréchal Pétain de la mémoire des Français, a fait monter au créneau les loges maçonniques, bien décidées à régler définitivement son compte au vieux maréchal, et à l’expulser de l’histoire de France. Le Grand Orient et la Grande Loge Mixte ont immédiatement mobilisé leurs troupes, et fustigé Macron pour avoir, dans un premier temps, jugé « légitime » d’inclure ce « grand soldat » de la Première Guerre mondiale, avant de tenter de se faire pardonner par quelques contorsions sémantiques. D’une certaine façon, la franc-maçonnerie a orchestré sa repentance. Soutenir que la franc-maçonnerie n’aurait plus l’influence qui était la sienne sous la troisième République est une affirmation qui mérite donc pour le moins d’être nuancée.
Jacques Molénat a mené des enquêtes sur le rôle de la franc-maçonnerie dans le Midi de la France, ceci pour le compte de L’Evènement du jeudi et autres. Il publie aujourd’hui un passionnant Voyage indiscret chez les Francs-Maçons du Midi. Molénat estime que l’influence des loges est en régression, car « le recrutement se fait hétéroclite. Les obédiences se déchirent, s’éparpillent. La réflexion s’enlise trop souvent dans la médiocrité (…). Comme force de proposition, la franc-maçonnerie décline ».
Mais son « voyage indiscret » lui fait dire aussi « qu’en coulisse, pourtant, via de très discrètes fraternelles, plus que jamais les réseaux s’épanouissent ». Toulouse, Perpignan, Narbonne, Béziers, Sète, Montpellier, Nîmes, Marseille, Toulon, Nice… chaque grande ville du sud est passée au crible par Molénat. Et le moins qu’on puisse dire est que la franc-maçonnerie quadrille étroitement toute la région. Prenons l’exemple de Narbonne. Qui n’est pas franc-maçon ? s’interroge Molénat. « Ils représentent un bon tiers du conseil municipal, dans la majorité comme dans l’opposition. A la communauté d’agglomération, le président, Jacques Bascou, s’appuie sur quinze vice-présidents, dont treize sont passés sous le bandeau. » Molénat révèle ensuite les noms des principaux maçons de la ville : député, membres de la chambre de commerce, juges du tribunal de commerce, avocats, promoteurs immobiliers, médecins, chirurgien, commissaire de police… tous… tous en sont.
Les frères sont épinglés chacun sur son bouchon
Molénat ne porte aucun jugement. Son étude, qui se termine par un impressionnant who’s who des maçons du sud, ne comporte pas de condamnations virulentes. C’est une étude quasiment scientifique, de type entomologique. Les frères sont épinglés chacun sur son bouchon, formant un tableau de chasse impressionnant. Le genre d’étude qu’aurait apprécié le si regretté Emmanuel Ratier, par ce souci de l’exactitude, et de la qualité de l’information.
Mais pour Molénat, en toute hypothèse, « la franc-maçonnerie n’a plus d’ennemi organisé (…). Ses adversaires baissent la garde ». Les Gilets jaunes réunionnais contredisent cette affirmation, eux qui réclament activement, ces jours-ci, « l’abolition de la franc-maçonnerie et de ses réseaux d’influence » !
- Voyage indiscret chez les Francs-Maçons du Midi, par Jacques Molénat, 238 p., Ed. Cairn, 2018
- Francis Bergeron -P résent