Le 29 mars prochain, le Brexit, voté par une majorité de Britanniques, contre l’avis des « élites » locales, était censé devenir réalité, quoique cela ne soit finalement pas si simple. Le Premier ministre Theresa May est à la manœuvre et pour rien au monde on ne voudrait être à sa place. À l’origine, elle était contre le Brexit. Mais, sentant poindre la fronde venue d’en bas – le peuple des électeurs – mais également celle d’en haut – la frange eurosceptique de ce Parti conservateur dont elle est pourtant issue -, elle a dû accompagner le mouvement, en jouant l’entre-deux. Le Brexit ? Oui, mais pas trop. L’Europe ? Non, mais un peu quand même. Et combien de sucres, dans votre thé ?
Résultat ? Ce qu’elle a laborieusement négocié depuis dix-huit mois avec la Commission européenne est en train de fondre comme neige au soleil, sa tentative d’accord étant rejetée à la fois par les tenants et les adversaires du Brexit en question. Il y aurait bien une autre solution : une sortie sans accord. Mais cette dernière est également tenue pour inacceptable par l’ensemble de la classe politique britannique. Il est un fait que, depuis le début de ce processus, Theresa May a entretenu un flou des plus artistiques, ne disant rien des rapports que l’île allait entretenir avec le continent ; si ce n’est, à en croire Le Monde du 15 décembre dernier, « sortir du marché unique et de l’union douanière tout en prétendant maintenir un libre accès au marché européen ». Sacrés Anglais ! Prendre ce qu’il y a de bien en Europe et en rejeter le reste. Mais dans ce cynisme typiquement anglo-saxon, Margaret Thatcher faisait preuve d’un peu plus d’intelligence politique.
Alors, pour sortir de cette crise, ne resterait donc plus que l’hypothèse d’un nouveau référendum. Pour Jason Groves, chef du service politique du Daily Mail : « L’une des choses considérées aujourd’hui comme impossibles va devoir arriver. » Nous y voilà. Les Anglais devront revoter. Et on les fera probablement re-revoter tant que le verdict des urnes ne sera pas le bon. On a déjà vu ça en Irlande à propos d’un autre référendum concernant l’avortement. Toujours à en croire nos confrères du Monde, « ce dimanche, le Sunday Times a révélé que deux proches de Theresa May, son adjoint David Lidington et son directeur de cabinet Gavin Barwell, tous deux anti-Brexit, sondaient secrètement les élus, Labour compris, dans le but de constituer une coalition favorable à un nouveau vote ».
Nous aurions bien tort de nous réjouir des malheurs de nos meilleurs amis anglais puisque en France, de semblables manœuvres de coulisses sont depuis longtemps la norme. Le référendum de 2005, relatif au projet de Constitution européenne, a été rejeté par près de 55 % des Français, avant de repasser en douce, deux ans plus part, à l’Assemblée nationale et sans la moindre ombre de début de débat parlementaire, sous le nom de traité de Lisbonne. Et Valéry Giscard d’Estaing, principal rédacteur de cette Constitution retoquée, d’alors se vanter : « Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils. »
Toujours dans cette même veine démocratique, Édouard Philippe prévient les éventuels trublions, qu’ils portent gilet jaune ou non, à propos du référendum d’initiative citoyenne, revendication grandissante de ces mêmes gilets jaunes dont le gouvernement semble ne plus parvenir à se dépêtrer : « Le référendum peut être un bon instrument dans une démocratie, mais pas sur n’importe quel sujet. » Doit-on comprendre que ceux intéressant les Français au premier chef – l’immigration, pour ne citer que celui-là – devraient se trouver, de fait, écartés de l’ordre du jour ?
Sans prendre grand risque, il y a fort à parier que oui, sachant que les professionnels de la démocratie ne déçoivent que rarement leur public. Public de moins en moins conquis d’avance, semble-t-il.
Nicolas Gauthier -Boulevard Voltaire