Ce devait être un nouveau départ. Celui d’un président «repenti», d’un homme «changé.» Mais trois mois après son retour, Nicolas Sarkozy peine à convaincre. Pas de grande nouveauté sur le fond, pas d’évolution sur la forme. Et un come-back plombé par neuf procédures judiciaires. Bref, 75% des Français n’y croient pas. Et si le problème du nouveau président de l’UMP, réélu le 29 novembre avec 64,5% des voix, c’était l’argent ?
L’argent qui est au cœur de toutes les enquêtes qui le concernent de près ou de loin : les affaires Bygmalion, Karachi, celle des très onéreux sondages de l’Elysée, l’arbitrage Tapie, les rétrocommissions sur une vente d’hélicoptères au Kazakhstan… L’argent de ses conférences à l’étranger, de ses riches amis.
Ses revenus de cadre dirigeant. «J’ai fait de la politique pendant trente ans et je n’ai jamais touché un centime !», a-t-il récemment asséné à un visiteur médusé. Mais ce n’était pas si mal. A l’Elysée, il s’était octroyé un salaire de 19.331 euros net, soit 173% de plus que Jacques Chirac. Quant à son patrimoine, il avait déclaré au début de son mandat 2,5 millions d’euros en assurance vie. Redevenu un citoyen ordinaire, il touche une confortable retraite d’environ 15.000 euros par mois (il cumule sa pension de député, de conseiller général et de président). Ainsi que les dividendes (4.800 euros mensuels en 2013) versés par son cabinet d’avocats, Arnaud Claude et Associés, dont il détient toujours 34% des parts.
Ses conférences jackpots. Mais c’est surtout grâce à ses fameuses conférences payées à l’étranger que Nicolas Sarkozy a «fait du fric», comme il en rêvait. Un de ses hôtes en Amérique latine raconte : «Dans le secteur, c’est le Français le plus cher, juste devant DSK : il demande entre 100.000 et 130.000 euros pour un discours de 45 minutes, auxquels il faut ajouter des billets en première pour lui et son officier de sécurité.» Sa cote serait supérieure s’il maîtrisait l’anglais. Il peut assurer quelques bons mots en VO, mais rien de plus. Bilan : avec une vingtaine de speechs, en Corée, au Qatar, au Congo, ses prestations lui ont rapporté près de 2 millions d’euros. A l’instar de Tony Blair, son «parrain» dans ce business, c’est le Washington Speakers Bureau qui vend sa personne. Tandis qu’à Paris, Consuelo Remmert, la demi-sœur de Carla Bruni, coordonne cet agenda pour 7.000 euros mensuels. Elle appartient au staff payé par l’Etat auquel a droit l’ancien président : 2 chauffeurs et 7 collaborateurs.
Ses entrées dans les palaces. «Il mène une vie très simple», assure Franck Louvrier, son ancien communicant à l’Elysée. Assez chic quand même. Vérification faite, Nicolas Sarkozy continue de fréquenter les palaces, comme le Royal Monceau, pour sa somptueuse piscine dessinée par Philippe Starck (190 euros l’entrée), ou la table trois étoiles du Bristol. Et s’il a rangé sa Rolex trop voyante, c’est pour la remplacer par une Patek Philippe, à 43.000 euros, offerte par son épouse. La collection de ce grand fan de montres compterait deux Rolex, une Girard-Perregaux, deux Breitling et une Breguet. «Il vient de loin, vous savez, explique son ami Laurent Dassault. Quand je l’ai connu il y a trente ans, il prenait le métro et il n’avait pas honte.» Vu comme ça… Côté logement, ce n’est pas mal non plus. Grâce à Carla Bruni, il occupe un hôtel particulier – l’ancien domicile d’Hubert Boukobza, le roi des Bains Douches – pour un loyer très modeste vu le lieu. Près de 6.000 euros par mois selon nos informations.
Ses derniers amis patrons. Dans le monde impitoyable du business, il ne compte plus beaucoup de soutiens, à part ses copains Laurent Dassault et Dominique Desseigne, P-DG du groupe Lucien Barrière, qui l’accueille parfois au Normandy. Ils sont aussi ses voisins villa Montmorency, dans le XVIe. «Sarkozy a déçu les chefs d’entreprise, résume un conseiller en communication de plusieurs grands noms du CAC 40. Très peu d’entre eux le fréquentent encore et ils préfèrent que ça ne se sache pas.» Ah qu’elle semble loin l’époque du Fouquet’s ! Vincent Bolloré ne l’invite plus sur son yacht et Martin Bouygues ne l’emmène plus en vacances. Ce dernier ne s’est jamais remis de l’attribution de la quatrième licence mobile à Xavier Niel : «Sarkozy a assuré qu’il n’y était pour rien, que c’était une décision de Fillon, témoigne un ancien de Matignon. C’était faux et Bouygues l’a toujours su.» Heureusement qu’il y a Jean-Claude Darmon pour lui prêter son jet. «Il a fait quelques trajets en 2013», nous a confirmé l’ex-argentier du football. Autre fournisseur d’avion privé : Stéphane Courbit. Pas de chance, l’avion appartenant à sa société, l’homme d’affaires fait l’objet d’une enquête pour abus de biens sociaux.
Ses frais de bouche à l’Elysée. L’ancien hôte de l’Elysée aime se moquer des «costumes mal ajustés» de François Hollande. C’est sûr, avec lui, la vie au «Palais» avait une autre allure. Le député socialiste René Dosière a comparé les trains de vie présidentiels. Résultat : Sarkozy dépensait plus en fleurs (+ 47%), frais de bouche (+ 20%) et, surtout, en sondages : 1,5 million d’euros engloutis chaque année, soit 40.000 euros par semaine, empochés par la société de son ex-ami Patrick Buisson sans mise en concurrence. Quant à ses déplacements, «ils coûtaient 126.000 euros en moyenne, trois fois plus que pour Hollande, calcule le député. C’est simple, il embarquait avec lui des dizaines de collaborateurs, ce qui l’obligeait à prendre l’Airbus.» Dépensier, vraiment ? «J’ai passé dix ans à ses côtés, il ne s’est jamais soucié du prix de quoi que ce soit , assure un de ses anciens lieutenants. Avec lui, c’est “l’intendance suivra”».
Les casseroles qui ne vont pas lui coûter grand-chose. Le détachement a du bon. Car dans la désormais célèbre affaire de fausses factures Bygmalion, l’ex-président jure n’avoir jamais rien su. Rien entendu. Sa campagne de 2012 aurait pourtant dépassé le plafond autorisé de 18 millions d’euros, payés par l’UMP de surcroît. Devra-t-il les rembourser ? Pas de risque. Une amende de 365.615 euros a déjà été payée par l’UMP en 2013 (le montant du dépassement constaté à l’époque). «Une seconde sanction n’est pas possible», assure-t-on à la Commission des comptes de campagne. Au pire, cette bête de scène risque 150.000 euros d’amende pour financement illégal de campagne. Pour les autres affaires judiciaires, il est protégé par l’immunité présidentielle ou concerné de loin (Karachi). Seule l’enquête sur les écoutes – on le soupçonne d’avoir tenté d’influencer un juge – peut l’inquiéter. Mis en examen pour, entre autres, «corruption active», il risque une amende pouvant aller jusqu’à 1,5 million d’euros.
Sa campagne low-cost pour l’UMP. Pour reconquérir l’UMP, l’ancien chef d’Etat ne pouvait compter sur les finances d’un parti endetté à hauteur de 74 millions d’euros. Son budget ? Les 200.000 euros récoltés par son microparti (l’Association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy). Alors fini les parfums de truffe, le champagne et les loges luxueusement insonorisées. Bonjour salles des fêtes, chaises pliantes et jus de fruit MDD. Ainsi fin octobre, au complexe sportif Guy Drut de Saint-Cyr-sur-Loire, les petites mains se démenaient-elles pour égayer les lieux : un grand tissu bleu masquait les murs un peu tristes, quelques drapeaux fatigués, bleu, blanc, rouge et européens, rappelaient la République. «On paie même nos billets de train», nous confiait un bénévole venu de Paris. Mais la conversion du candidat à la rigueur budgétaire n’est pas complète. Voir le loyer de son QG parisien, de 6.000 euros mensuels. «Mon local ne coûte que 1.700 euros par mois», tacle son adversaire Bruno Le Maire. A l’UMP, ou ce qu’il en restera, le préféré des militants a promis de «tout revoir du sol au plafond». Attention quand même à la facture.