En Irlande, un prévenu, accusé de viol sur une jeune fille de 17 ans à Cork, a été déclaré non coupable. À l’initiative de l’association I Believe Her, des centaines de femmes ont manifesté leur colère.
L’avocat de la défense ayant convaincu les juges qu’il n’y avait pas eu viol car la jeune fille « portait un string en dentelle avec un lacet sur le devant », l’association a enjoint ses adhérentes de publier sur Twitter une photo de leur string suivi de #ThisIsNoConsent. Elles sont ensuite allées au tribunal de Cork en scandant « Yes is yes, and no is no » et en tenant à la main leurs strings rouges, noirs, vert fluo, roses ou orange, dont elles ont ensuite décoré les marches du palais de justice.
L’enjeu est de taille, car le fait de ne pas croire la victime a pour conséquence la déqualification d’un viol en simple abus sexuel. La victime présumée était-elle ou non consentante ? Tout est là. Si oui, c’est un simple délit d’abus sexuel. Sinon, c’est un crime : le viol.
La jeune Irlandaise de Cork avait bien protesté, mais elle l’avait fait avec un laconisme tout anglais, déclarant à son séducteur – a-t-elle dit au tribunal – : « Tu m’as violée ! » Le prévenu dit avoir alors rétorqué : « Non, j’ai eu un rapport sexuel avec toi. » La preuve qu’elle y consentait, dit–il aux juges : « Elle n’a pas pleuré. »
« Qui ne dit mot consent », dit le vieil adage.
Pour innocenter Georges Tron, son célébrissime avocat est allé plus loin encore, jusqu’à la présomption de culpabilité de la victime. « Il y a des hommes prédateurs, peut-être, mais aussi des femmes qui sont attirées par le pouvoir, qui aiment ça », a-t-il dit. Il a soutenu aussi qu’elles sont des « potiche[s] incapable[s] de dire non » si elles se laissent faire. Maître Dupond-Moretti a même ajouté à l’adresse de la partie civile, inversant totalement les rôles d’agresseur et de victime, louant la « patience » de son client : « Moi, je vous sauterais à la gorge. »
Ni Tron ni l’Irlandais de Cork n’auront à payer de caution pour retrouver leur liberté puisqu’ils sont acquittés. Mais même reconnus coupables, les violeurs peuvent être libérés grâce au système de la caution importé des États-Unis.
Ainsi, Tariq Ramadan, reconnu coupable, confondu par la violence sadique de ses propres textos, a cependant été remis en liberté moyennant 300.000 euros après dix mois de détention provisoire. Pour mémoire, Dominique Strauss-Kahn, après la retentissante affaire Diallo en 2011, avait « acheté » sa liberté un million de dollars. Mieux – ou pire – encore : cinq jeunes Espagnols, dont le crime était prouvé puisqu’ils s’étaient filmés en train de violer à cinq une jeune fille de 18 ans, ont été remis en liberté en avril dernier par le tribunal de Pampelune sous caution de 6.000 euros chacun, après leur condamnation à neuf ans de prison – dont ils ont fait appel… Des manifestations de milliers de femmes dans les rues de Pampelune, Bilbao, Santander et Séville ont alors conduit le gouvernement espagnol à instaurer une formation des juges permettant de les « sensibiliser aux violences faites aux femmes ».
Il serait sans doute bien plus utile de « sensibiliser » les jeunes filles dans les écoles au fait que si elles ne sont pas d’accord, elles doivent hurler, se débattre, se battre même, pour bien marquer que « no is no ». Car les hommes sont distraits, voire un peu sourds, dans ces moments-là
.Catherine Rouvier – Boulevard Voltaire