Il est facile de raconter n’importe quoi et j’en suis tout à fait conscient. Mais quand j’écoute le récit des rescapés du Bataclan, quand j’entends qu’ils ont été bloqués plus de deux heures, deux heures insupportables, deux heures de terreur entrecoupées de dizaines de rafales de kalachnikov, deux heures pendant lesquelles, à l’extérieur, se concentraient les ambulances et les forces de police, je pose une question que je ne devrais pas rendre publique. Une question qu’aucun journaliste n’a osé ou voulu se poser…
Le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur savaient que les terroristes portaient des ceintures bourrées d’explosifs et de boulons meurtriers. Les autorités policières présentes autour du Bataclan avaient clairement entendu des rafales. Ils savaient, lorsque les premiers spectateurs s’étaient échappés par l’arrière de la salle, ce qui se passait à l’intérieur. Ils ne pouvaient ignorer que les terroristes – qu’à longueur d’antenne, ce soir-là, on appelait « les assaillants » – s’étaient condamnés à mourir. Un kamikaze ne tue pas aveuglément pendant deux heures en ayant l’intention de se rendre vivant.
Alors, oui, je pose la question aux autorités responsables, et en premier lieu à Bernard Cazeneuve, mais aussi au président de la République qui devait prendre la décision ultime. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour donner l’assaut ? Pourquoi ne pas avoir autorisé le RAID et la BRI à intervenir immédiatement, dès leur arrivée sur place, quitte à avoir des victimes prévisibles dans leur rang. Par crainte de victimes policières ? Mais l’on sait que le dévouement de nos policiers va jusqu’à accepter de perdre la vie pour sauver son prochain. Par crainte d’un carnage final ? Mais à l’écoute des rafales, on savait que déjà des dizaines d’otages avaient été blessés ou tués.
Oui, j’ose être très politiquement incorrect, mais la question de la responsabilité au sommet de l’État est à envisager dans le nombre de victimes. Si les forces de l’ordre avaient reçu l’ordre de pénétrer dans le Bataclan dès le début de la prise d’otage, les terroristes auraient été tués ou se seraient fait exploser sans avoir fait autant de victimes. Provoquer des morts et des blessés était alors inévitable, mais c’était sauver beaucoup d’autres otages…
Je n’accuse pas. J’interroge. Je pose la question à la justice, aux forces d’intervention, aux responsables politiques.
Entre 21 h 40, heure de l’entrée des fous d’Allah, et l’assaut donné à 0 h 20, pourquoi avoir laissé ces centaines de spectateurs devenus otages et victimes aux mains de trois terroristes ?