Le tapage marketing du Beaujolais nouveau!

Qu’on aime ou on n’aime pas, on y échappe pas. Chaque troisième jeudi de novembre, le Beaujolais nouveau est un évènement incontournable.

Un marqueur de saison
“Le Beaujolais nouveau, c’est un petit rayon de soleil dans un mois pas très agréable”, prône Jean Bourjade, délégué général d’Inter Beaujolais. Le cru débarque à la fin d’un mois de novembre souvent triste, marqué par la grisaille, la Fête des morts ou l’Armistice de 1918. A ses yeux, le “côté saisonnier” explique en grande partie la notoriété de ce vin. Les premiers tonneaux de Beaujolais nouveau sont percés et commercialisés chaque année à partir du troisième jeudi du mois, une date fixe qui participe à en faire un évènement programmé et donc attendu. C’est aussi un vin presque monocépage (98% de gamay), qui nécessite peu de temps de macération et qui est ainsi mis en vente presque dès la fin de la récolte. Un nectar prêt à être consommer rapidement, et peu onéreux donc populaire. Le Beaujolais nouveau est souvent un prétexte pour faire la fête entre amis, collègues ou en famille.

Un vin qui divise

Le Beaujolais nouveau “fait réagir les gens”. On aime ou on le déteste, “il n’y a pas de juste milieu”, résume Jean Bourjade. Il ne laisse personne indifférent et déchaîne les passions, qu’elles soient négatives ou positives. Et les critiques sont souvent les mêmes. Le Beaujolais n’est pas un “vrai vin”, prônent ses détracteurs. Être un grand vin “n’a jamais été sa vocation”, réplique le spécialiste qui rappelle toute même qu’il a obtenu l’appellation A.O.C (Appellation d’origine contrôlée). Il se veut jeune, facile à boire et accessible à tous en goût et aussi en prix. “Ce sont des vins d’initiation”, ajoute-t-il regrettant “l’intellectualisation systématique du vin”. “On peut aimer le grand vin et adorer le Beaujolais”, tranche-t-il encore. Conscient que la tendance depuis quelques années est au “boire moins mais mieux”, une cuvée haut de gamme a été créée. C’est un Beaujolais nouveau plus travaillé, plus structuré, qui se rapproche du vin de garde, et qui est plus cher. Des cuvées haut de gamme de plus en plus demandées.

Le Beaujolais est aussi un vin qui ne se conserve pas et tourne rapidement au vinaigre? Faux, assure Jean Bourjade. “C’est un vin primeur, on ne le garde pas dix ans, mais un an voire deux. Il est parfois encore meilleur”, assure son défenseur. L’expert reconnaît volontiers qu’au début de ce succès planétaire, il fallait toujours produire plus, sans se soucier de la qualité. Son goût, qualifié parfois de “banane”, est souvent décrié. “Dans certains vins, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous”, reconnait le spécialiste. Au début des années 2000, la filière s’est rendue compte qu’elle allait droit dans le mur en continuant ainsi et a tenté de redresser la barre et redorer l’image du produit. La qualité a été retravaillée, la production a diminué. “Nous sommes redescendus à un niveau (de production) qui nous correspond bien aujourd’hui “, avec 230.000 hectolitres en 2013.

Un succès à l’étranger
Après la France, le Royaume-Uni, qui affectionne le concept de vin nouveau, s’est enjoué de la sortie du Beaujolais nouveau. “Les Britanniques organisent ‘The Race’, une course avec pour objectif d’être les premiers, à minuit, aux caveaux du Beaujolais, d’en ramener le plus rapidement possible pour pouvoir dire ‘je suis le premier'”, détaille Jean Bourjade. Des opérateurs du Beaujolais sont ensuite allés proposer le nectar dans d’autres pays, l’intérêt pour le Beaujolais s’est progressivement diffusé partout dans le monde. “Cet engouement international nous a surpris. On a surfé sur la vague”, ajoute-t-il.

L’année dernière, le Japon a importé pas moins de 59.183 hectolitres. Soit 7,9 millions de bouteilles. Les États-Unis (1,8 million de bouteilles) et l’Allemagne (730.000 bouteilles) complètent le podium. Le Beaujolais est le deuxième vin le plus connu au monde, derrière le champagne. Aux États-Unis, sept jours après son lancement, le Beaujolais nouveau se retrouve sur les tables pour Thanksgiving, faisant partie des vins recommandés qui se marient bien avec les mets consommés à cette occasion. Au Japon, la sortie du Beaujolais nouveau est un évènement inscrit au calendrier. Des photos de Japonais se baignant dans du Beaujolais nouveau sont souvent reprises par les médias. “Ce n’est pas vraiment l’image qu’on souhaite voir”, tempère Jean Bourjade expliquant qu’il s’agit d’un centre thermal au Japon, un “épiphénomène”. Pour certains expatriés français, le Beaujolais nouveau est parfois plus fêté que le 14 juillet, poursuit le spécialiste. Comme à la Chambre de commerce française aux Philippines, où l’évènement a réuni plus de 2.000 personnes cette année.

Des campagnes et du marketing à foison
“On dit souvent que le Beaujolais nouveau est un produit marketing. Ça nous fait sourire, commente le délégué général d’Inter-Beaujolais. C’est très loin de la vérité”. La mise en place d’un rendez-vous fixe a été l’un des points de départ décisif. “Le concept du vin nouveau, personne d’autre ne l’avait”, explique le spécialiste. Avant 1951, personne ne pouvait vendre du vin avant le 15 décembre, quel qu’il soit. Les vignerons du Beaujolais ont été les premiers à demander à l’administration (l’administration des contributions indirectes, Ndlr) l’autorisation de pouvoir vendre leur vin avant. La longueur d’avance de ces vignerons a grandement participé à la success story. “Beaucoup d’autres régions ont tenté d’aller sur les traces du Beaujolais, mais ça n’a pas forcément marché”, plaide Jean Bourjade. D’autres vins sont mis sur le marché à la même date mais l’engouement n’est pas le même, la consomation reste proche du lieu de production. Autre élément de ce succès : l’investissement de la filière entière. Producteurs, négociants, vignerons ont mis de côté leurs désaccords et se sont investis de concert pour assurer le succès de leur vin.

Le marketing et la publicité sont tout de même très présents dans l’aventure Beaujolais. Campagne de publicité, reprise dans les médias, organisation d’évènement…, il est difficile d’échapper à la sortie de la nouvelle édition. Le Beaujolais nouveau fait l’évènement 3 jours voire 10 maximum. La période est courte et les campagnes des fêtes de Noël démarrent toujours plus tôt. “La campagne de publicité devient obligatoire. Il faut que tout le monde sache que c’est le jour du Beaujolais nouveau”, explique-t-il encore. Un travail particulier est également fait sur l’image du vin qui se veut “jeune et moderne”. Cette année par exemple, la bouteille a été illustrée par Skwak un artiste lillois (qui a travaillé pour Mc Donalds, Facebook, Google ou Microsoft). “On est loin de la nappe à carreaux rouge et blanc et de l’accordéon”, sourit Jean Bourjade.

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