En ces temps d’inquisition féministe, on avait presque oublié que les femmes pouvaient avoir de l’humour. Larguées, qui vient tout juste de sortir en DVD en est l’hilarante démonstration. Aux manettes, la fort jolie Éloïse Lang – pardon de la réflexion sexiste – à laquelle on doit l’épatante série Connasse, ayant révélé la non moins délicieuse Camille Cottin. La distribution devient plus alléchante encore avec Camille Chamoux, autre rigolote connue pour ses one“woman” shows, et Miou-Miou, qu’on ne présente évidemment plus.
Larguées, de quoi s’agit-il ? De la tristesse d’une mère, Miou-Miou qui, arrivée à la soixantaine et abandonnée par son mari, déprime sévère. Elle déprimerait certainement plus si elle apprenait que l’époux indélicat attend un enfant de sa nouvelle et jeune conquête. Miou-Miou a deux filles : les deux Camille plus haut citées, qui se demandent donc comment remonter le moral à maman. Et pourquoi pas l’emmener passer quelques jours dans une destination paradisiaque, l’île de la Réunion, mais dans un endroit qui l’est peut-être un moins, s’agissant d’un club de vacances ?
Au siècle dernier, Patrice Leconte s’était emparé du sujet avec ses Bronzés – en vacances et qui font du ski, par charité chrétienne, oublions le troisième. Il s’agissait de films faussement drôles ; on y riait beaucoup, mais jaune, devant la noirceur des personnages. Là, Éloïse Lang joue le registre inverse, celui de la tendresse. Pour dragueurs qu’ils soient, ses gentils organisateurs ont une âme, un cœur. Pareillement, le portrait troussé des deux Camille participe de la même bienveillance. Cottin est la fille rebelle, incapable de se caser durablement, rétive à la maternité et au mariage ; mais pas insensible au désarroi d’un enfant, tentant, lui, de consoler son père dont l’épouse est également partie, mais d’un cancer. Chamoux, c’est le contraire : mère entendant tout contrôler de sa famille modèle – son mari l’appelle « maman », ce qui n’est jamais bon signe –, elle égorgerait bien sa sœur dès le petit-déjeuner tout en lui enviant sa “liberté” ; même si une “liberté” à moitié consentie peut aussi faire figure de prison.
Et Miou-Miou ? Impériale et impayable en son rôle d’épouse bafouée et de mère dépassée par les subterfuges, tant idiots que maladroits et pourtant bien intentionnés, mis en œuvre par sa progéniture afin de tenter de lui redonner le sourire, quitte à lui mettre un playboy de plage dans les pattes et entre les bras. Bref, elle survole le film. Film dans lequel, certes, on se gondole du début à la fin, mais qui fait également réfléchir sur ce qu’est, devrait ou pourrait être une famille. On rendra encore grâce à Éloïse Lang de nous avoir évité tous les clichés sociétaux du moment, pleurnicherie féministe, stigmatisation des minorités et autres discours de bonnes sœurs en civil.
En 2018, un pareil film ferait presque figure d’anomalie. Une comédie pétillante et intelligente, sans vulgarité ni pathos, tend à devenir un plaisir rare, même si, on l’imagine volontiers, pas forcément du goût de ces deux Caroline : Fourest et de Haas. Raison supplémentaire pour ceux qui, l’ayant manqué en salles, de voir le tout en famille ; avec un maximum de filles si possible, sachant qu’en chaque fille, sommeille l’une ou l’autre des deux Camille. Quand ce ne sont pas les deux à la fois. Quand aux garçons, ils devraient regarder le tout, sourire en coin et larme à l’œil. Car c’est qu’elles s’en donnent elles aussi du mal, ces filles, pour faire le bonheur des nigauds que nous sommes parfois. Après tout, garçons et filles ne sont-ils pas un peu faits pour s’entendre et être ensemble ? C’est globalement ce dont nous parle Éloïse Lang. Et cette fille parle d’or.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire