La vierge au Rimmel de Saint-Pierre-de-Buzet (Vidéo)

Il y a cinq ans, la restauration manquée d’une peinture à Borja, en Espagne, faisait le tour du monde. Ce Christ défiguré attire désormais une foule de touristes dans ce petit village de l’Aragon où les Borgia, paraît-il, puiseraient leur origine.

 Une mésaventure analogue a pareillement affligé un Christ en croix qui se trouve dans la superbe église romane de Saint-Pierre-de-Buzet. Le village, qui comptait 560 habitants en 1832, n’en comptait plus que 230 en 1900, et si ce chiffre est récemment remonté jusqu’à près de 300 âmes, ce n’est pas encore Saint-Pierre-de-Rome. Néanmoins, la paroisse a bénéficié d’un prêtre à demeure jusqu’en 1930.

Paroisse reculée, que les révolutionnaires de 1789 avaient débaptisée pour lui donner le nom de Boisvignes, ce qui ne relevait pas d’un très gros effort d’imagination puisqu’on serait bien en peine de trouver ici autre chose que des bois et des vignes en dehors des quelques maisons qui occupent ce territoire.

Or, dans cette paroisse restée longtemps à l’écart du monde, l’évêque d’Agen avait pris l’habitude d’envoyer, non des prêtres rustiques qui eussent détonnés parmi les pratiquants chics des sous-préfectures, mais des prêtres à problèmes.

Un fut envoyé là, vers 1900, parce que, de riche famille, il possédait une automobiles et que ce moyen de locomotion pétaradant semblait contraire à la dignité ecclésiastique. Un autre, tel le révérend père Gaucher, s’était spécialisé dans la commercialisation des plantes médicinales, et y avait fait son beurre. Il avait notamment mis au point une notion capillaire, la Piéline, destinée aux soins du cuir chevelu, ce qui lui avait rapporté un assez joli magot.

Et puis il y en eut un troisième que sa hiérarchie avait exilé à Saint-Pierre parce qu’il vivait avec une « nièce », trop jeune et trop jolie pour que cela ne suscitât pas des suspicions. A Saint-Pierre au moins, le risque de scandale était minimisé. Mais à vingt ans, on est frivole et la jeune fille s’ennuya. Alors elle se mit … à taquiner le pinceau.

Or, parmi le mobilier de l’église, figure une une toile de belle taille (environ 2m de haut sur 1m50 de large) représentant un Christ en croix, ayant la Sainte Vierge et Marie-Madeleine à ses pieds.. Avec de pareilles dimensions, le bas de la toile frôlait le sol et souffrait de l’humidité inhérente à ces édifices millénaires. Aussi la nièce entreprit-elle la restauration de l’ouvrage, et repeignit le visage de la Vierge éplorée.

Afin de bien montrer les yeux gonflés de larmes, elle lui fit un maquillage au rimmel …C’eût été Marie-Madeleine, qui eut un passé chargé, la chose serait compréhensible. Mais pour le visage de la Vierge Marie, que l’on peut encore admirer dans l’église, il y a quelque chose d’aussi cocasse que la face simiesque du Christ de Borja.

 

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