L’interpellation à Marseille, Aix-en-Provence et en région parisienne de dix militants « proches de la mouvance de l’ultra-droite » (sic) a été largement médiatisée. Désormais, nul n’ignore que le petit groupe (neuf hommes et une femme placés en garde à vue pour « association de malfaiteurs terroriste ») est soupçonné d’avoir voulu commettre un attentat contre « des hommes politiques et des mosquées ». Voire des migrants. Comment un projet apparemment unique d’attentat peut-il s’accommoder d’autant de cibles potentielles ? Cette impossibilité matérielle n’a visiblement guère troublé les journalistes. Les suspects (dont on ne précise pas qu’ils sont jusqu’à preuve du contraire présumés « innocents ») avaient-ils procédé à des repérages ? Tout ce que l’on sait c’est qu’ils s’épanchaient volontiers sur les réseaux sociaux. Drôles de terroristes, on en conviendra.
Manipulations
En l’état actuel de l’enquête nous ne savons pas ce que projetaient vraiment les membres de ce petit groupe. Projetaient-ils d’ailleurs vraiment quelque chose ? En revanche, nous savons très bien que la date de leur interpellation ne doit rien au hasard. Depuis longtemps ils étaient dans le collimateur de la sous-direction antiterroriste de la Police judiciaire (SDAT) en co-saisine avec la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Ce n’est pas un hasard si leur interpellation est intervenue le jour où, devant la cour d’Assises de Paris, l’ex-patron du renseignement intérieur toulousain rappelait que sa direction centrale (DCRI) avait imaginé de recruter Mohamed Merah, le tueur à scooter. « Mon refus a été net et catégorique et j’en ai fait part à ma hiérarchie », a précisé ce témoin.
Après l’assassinat de deux paras, l’ex-patron du renseignement toulousain avait donné les noms de 12 suspects potentiels – dont celui de Merah – mais il n’avait pas été entendu. Pour quelles raisons ? « La piste d’un attentat commis par un groupe d’extrême droite était alors privilégiée », nous rappelle l’AFP. Le résultat de ce parti pris idéologique donne froid dans le dos : il aura fallu les quatre assassinats de l’école juive pour que la piste du terrorisme islamiste soit enfin prise au sérieux.
L’interpellation du petit groupe répond à la volonté politique de masquer les multiples loupés de l’affaire Merah derrière un providentiel écran de fumée. Mais aussi d’agiter sous les yeux de l’opinion la piste d’un « terrorisme d’extrême droite » tout aussi dangereux pour la démocratie que le terrorisme islamique. A grand renfort de manipulations diverses et variées il faut s’attendre dans les semaines et les mois qui viennent à d’autres coups tordus de ce genre. Souvenons-nous des Irlandais de Vincennes…
Henri Blaunac