On a du mal à imaginer aujourd’hui que, chaque vendredi soir à une heure de grande écoute, des millions de Français se rassemblaient devant leurs téléviseurs pour suivre une émission entièrement consacrée aux nouveaux livres. Et que, dès le lendemain, les téléspectateurs se ruaient dans les librairies pour acquérir les ouvrages présentés par Bernard Pivot. En quinze ans, de 1975 à 1990, Apostrophes en a vu défiler, des auteurs célèbres ou méconnus.
À l’occasion des 40 ans d’Apostrophes, le journaliste Pierre Assouline propose un florilège des grands moments de l’émission, sous forme d’abécédaire, en commençant par A comme «amabilités» (et Dieu sait s’il y en eut d’échangées) et en finissant par Y comme «Yourcenar». Amusé ou surpris, Bernard Pivot commente ces extraits et livre quelques anecdotes sur les coulisses de l’un des rendez-vous les plus emblématiques de l’histoire de la télévision.
Pour être culturel, le magazine n’en était pas moins animé. Pour preuve, le scandale provoqué par Bukowski quittant le plateau ivre mort, les passes d’armes entre Serge Gainsbourg et Guy Béart ou entre Mohamed Ali et Jean Cau, mais aussi les échanges élégants entre Raymond Devos et Claude Hagège.
On retiendra surtout ces fabuleux tête-à-tête entre Bernard Pivot et des figures du XXe siècle, comme Soljenitsyne, Green, Jouhandeau, Lévi-Strauss. «Nourrissez-vous des regrets?» lui demande Assouline en fin d’émission. Pivot: «Oui, celui d’avoir posé deux fois à Simenon la même question sur le suicide de sa fille. La question était cruelle et déplacée. J’ai commis une faute.»