La présidente du Rassemblement national a été mise en examen en mars dernier pour avoir diffusé des images d’exactions de Daesh sur Twitter.
En 2015, Marine Le Pen avait publié sur Twitter des images d’exactions par Daesh, notamment celle d’un homme en feu. Ce qui lui avait valu la levée de son immunité parlementaire et une mise en examen pour “diffusion d’images violentes” en mars dernier, tout comme le député RN Gilbert Collard.
Ce jeudi, la présidente du Rassemblement national a annoncé qu’elle allait devoir se “soumettre à une expertise psychiatrique”.
“Pour avoir dénoncé les horreurs de Daech par tweets, la ‘justice’ me soumet à une expertise psychiatrique! Jusqu’où vont-ils aller?”, s’est-elle plaint sur Twitter.
En cas de condamnation la députée risque trois ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende, notamment car des mineurs sont susceptibles d’avoir vu les images.
Après avoir mis en examen Marine Le Pen pour avoir dénoncé, dans un tweet, une photo montrant les atrocités de Daech, le juge d’instruction de Versailles vient d’ordonner une expertise psychiatrique à la demande du parquet.
Cette décision n’a pas manqué de susciter une intense polémique dans la presse et sur les réseaux sociaux. À juste titre.
Non seulement le choix du parquet, censé représenter la société, de poursuivre une représentante politique légitimement élue, pour avoir dénoncé les atrocités de l’État islamique, apparaît plus que contestable et relever d’une incroyable partialité idéologique.
Mais cette ordonnance donne à cette procédure un caractère totalitaire et soviétique rappelant la triste époque de la psychiatrisation des opposants au point que même Jean-Luc Mélenchon s’en est ému.
À décharge, certains journalistes s’érigeant en juristes se sont empressés de faire valoir que le juge était tenu d’ordonner une telle expertise en vertu des dispositions de l’article 706-47 qui prévoit, de manière précise, les infractions pour lesquelles celle-ci est ordonnée et que, par conséquent, elle était automatique.
Sauf que cette mesure ne constitue en rien une obligation dont l’omission constituerait une faute du juge et même une cause de nullité.
C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt récent du 24 août 2016.
Dans cette affaire, l’avocat du mis en examen avait formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la chambre d’instruction qui s’était prononcée sur le profil psychologique de son client sans avoir, au préalable, ordonné une mesure d’expertise confiée à un médecin ou psychologue.
Dans cette procédure, aucune expertise psychiatrique ou psychologique concernant monsieur X n’avait été ordonnée.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en rappelant qu’aucune disposition du Code de procédure pénale ne faisait obligation au juge d’instruction d’ordonner, dans le cadre d’une information ouverte en matière criminelle, une expertise psychiatrique ou psychologique. Cela est encore plus évident, donc, en matière délictuelle.
Par conséquent, le choix de la juge d’instruction madame Carole Booster d’ordonner, à la suite d’une demande du parquet, une telle expertise apparaît comme un choix inutile et humiliant à l’encontre d’une responsable politique parfaitement consciente de ses actes et de ses propos et qui relèvent, en tout état de cause, d’un débat d’intérêt général au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Un pas supplémentaire vers le totalitarisme vient d’être franchi. Aucun juriste digne de ce nom (quelle que soit son appartenance politique) ne peut cautionner une telle dérive.
Frédéric Pichon, avocat – Boulevard Voltaire