Tatiana Ventôse est une youtubeuse (Le Fil d’Actu) qui s’est fait connaître à gauche, avant d’abandonner les « idéologies », comme elle le déclare elle-même. Après avoir subi une agression violente dans le métro, elle a réalisé une vidéo dans laquelle elle dévoilait l’origine ethnique de ses agresseurs (nord-africains), ce qui n’a pas manqué de faire réagir la sphère politique en ligne. Témoignage.
(…) Vous avez dit que Paris ressemblait désormais au tiers-monde, ce qui vous a valu quelques commentaires négatifs. Vous assumez ?
Absolument. Les gens qui n’ont pas compris ce terme vivent soit dans le déni, soit dans une bulle de privilèges. La situation est visible par n’importe quelle personne dotée d’yeux. Je n’ai pas utilisé ce terme seulement en relation avec mon agression mais à cause d’un sentiment général de ce que Paris devient. Paris, aujourd’hui, ce sont des gens qui font la manche à tous les coins de rue ; des quartiers transformés en bidonvilles ; des boulevards jonchés de déchets et de sacs poubelles éventrés ; les rats ; l’odeur d’urine et le reste ; les vieux qui font les poubelles des supermarchés ; les vendeurs à la sauvette de téléphones volés ou de yaourts périmés récupérés dans les poubelles des magasins ; des parcs municipaux transformés en campings pour SDF ; des actes quotidiens de violence gratuite (physique ou verbale) de la part de gens qui se sentent impunis…
Pendant ce temps Anne Hidalgo utilise l’argent de la mairie à élargir les trottoirs « pour éviter les agressions », à donner des fonds à des associations bidon qui prétendent lutter contre le harcèlement de rue en mettant des « bancs inclusifs », à faire construire des œuvres éphémères pour sensibiliser au recyclage des piles (fonctionnant à l’électricité !), ou à détruire un boulevard pour faire un énième monument aux morts de la guerre de 14-18. Ce n’est pas une ville du Tiers-Monde, c’est pire, car les autorités se croient à la tête d’une ville à la pointe de la hype.
Qui étaient vos agresseurs ?
Deux hommes d’une vingtaine d’années, en survêtement, typés nord-africains. Au bout d’une ligne de métro au pied d’une cité. Je n’ai pas leur extrait de naissance, si vous me dites demain qu’ils étaient Andalous je vous dirai que c’est possible. Il n’empêche que quand j’ai dit que c’étaient des « Arabes » (au sens que tout le monde donne à ce terme dans ce type de contexte, je ne parle pas d’Histoire du monde musulman ni des invasions d’il y a mille ans), on m’est tombé dessus. Peut-être parce que tout le monde voit très bien ce que je veux dire, et que ça froisse certaines personnes, car cela ne colle pas avec leur vision du monde. Mais j’ai reçu un nombre incalculable de messages de la part de personnes d’origine algérienne, ou marocaine, ou « arabe » au sens large, qui m’ont dit : « c’était des gens de chez moi, hein ? Je suis désolée pour toi, nous aussi les Arabes on en a marre que ce soit toujours des Arabes qui agressent, et on en est victimes aussi ». Je ne suis pas le genre de personne à généraliser, mais je ne vais pas non plus taire un fait : ces deux-là étaient l’incarnation – la caricature, même – de la petite racaille qui passe ses journées à humilier des gens au hasard, à les frapper quand ils refusent de baisser les yeux, et qui se sentent tout-puissants parce que jamais inquiétés par la police ni la justice.
Certains internautes ont jugé vos propos « racistes ». Qu’auriez-vous à leur dire ?
Un énorme éclat de rire, pour commencer. D’un côté il y a des gauchistes qui me traitent de « raciste » parce que j’ai utilisé le terme « Tiers-Monde » (alors que la principale caractéristique du Tiers-Monde est la pauvreté, pas l’ethnie) ou parce que j’ai dit que c’étaient des Arabes dans une deuxième vidéo. Dans un monde où on nous a bourré le crâne pendant des décennies en nous avertissant contre « l’amalgame », on a fini par se dire que l’utilisation même du mot « Arabe » était raciste. Sauf que je décris un fait : j’ai été agressée par des Arabes. Si vous trouvez que « ça fait le jeu du FN », allez le dire aux deux Arabes qui m’ont agressée. Relisez le mythe de la caverne de Platon et allez voir dehors comment ça se passe.
Le plus aberrant, c’est que de l’autre côté de l’échiquier politique, on a quelques bons gros fachos qui clament que « c’est bien fait pour moi, je n’ai qu’à pas être pour la diversité, le multiculturalisme etc ». J’ai envie de dire, à un moment il va falloir vous mettre d’accord sur ce qu’on me reproche, je ne peux pas être à la fois « facho-raciste » et « gauchiste pro-immigration ».
Je leur ris au nez. Parce que la réalité ce n’est pas ces gens-là. La réalité, c’est l’écrasante majorité de personnes qui m’ont envoyé des messages de soutien et de compassion. Qu’ils soient apolitiques, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, quelles que soient leurs opinions sur l’immigration ou la sécurité. Ce sont ces gens qui savent très bien ce que veulent dire l’insécurité et les incivilités au quotidien, parce qu’ils ne vivent pas dans des fantasmes idéologiques mais dans le monde réel. Qui ont, comme moi, du baisser la tête un nombre incalculable de fois devant de petites racailles (arabes ou blancs ou noirs) pour ne pas se prendre des coups ; qui, un jour ou l’autre, en ont eu marre de baisser les yeux et ont payé au prix fort leur dignité.