Sélectionné cette année à la Mostra de Venise, en compétition officielle, ce premier film ambitieux du réalisateur Christopher Murray débute sa route sur les sillons du grand écran. Le Festival International du Film de San Sebastian, en Espagne, l’a également choisi dans sa section « Horizons » et les producteurs du film entendent bien ne pas s’arrêter là pour toucher le public.
L’histoire raconte celle de Michaël, mécanicien, qui dit avoir eu une révélation divine dans le désert. Il n’a pas encore trente-trois ans mais trente ans. Loin de le croire, ses voisins le traitent en fou du village. Quand il apprend qu’un ami d’enfance a eu un accident dans un hameau éloigné, il décide de tout abandonner pour faire un pèlerinage pieds nus, espérant ainsi le guérir miraculeusement. Sa démarche interpelle la population exploitée des entreprises minières du désert chilien, les laissés pour compte, qui voient en lui un prophète. Cet homme est peut-être en mesure de les soulager de leurs souffrances…
La production est franco-chilienne et le producteur français Thierry Lenouvel a tout de suite voulu miser « sur ce film d’une grande qualité artistique ». Les « questions religieuses » ne l’animent pas mais il était prêt à s’investir dans un « sujet qui interroge les limites de la foi dans une des régions les plus pauvres du Chili », pays auquel il est très sensible. Ce n’est pas la première fois qu’un sujet spirituel intéresse un athée. Des Hommes et des dieux en est l’exemple même avec son réalisateur Xavier Beauvois. Mais si l’intérêt pour la foi ne les motive pas, il faut aller voir du côté de la philosophie, de la recherche de sens à de l’existence, du sens autrement donné à la souffrance et à l’inexplicable. Une quête qui unit les hommes ?
Pour le producteur du Christ aveugle, le film traite d’un sujet « très social et universel ». Il avoue que « les questions sur la manière dont on peut enseigner la foi aux gens est très actuelle, le prophète leur explique que la foi n’est pas dans les icônes mais en eux et nulle part ailleurs ». Ce qui le frappe dans le héros du film c’est « qu’il refuse d’avoir un pouvoir sur les pauvres gens malgré son charisme ». Dans cette région très pauvre, on se détruit la santé, on ne tient pas à la vie comme on voudrait ou comme on devrait ; après la mine, quelle finalité ?
Le producteur déplore que « la religion soit parfois un refuge et que certains abusent de ce pouvoir », et pour lui, produire de tels films est partie prenante de son désir « d’ouvrir les yeux aux gens, pour qu’ils soient capables d’assumer une réflexion ». Pour cette raison, il se réjouit que « ce film fasse débat, qu’il sonde les gens sur leurs engagements qu’ils ont ou non, car il y a plein de manières de s’engager ».
Thierry Lenouvel ne trouve sa satisfaction que dans les films d’auteurs, sans doute parce qu’ils permettent davantage de réfléchir, penser, se laisser interroger par l’histoire qui se déroule à l’écran. La réflexion n’est pas mâchée ou absente, elle se reflète et s’éveille dans nos esprits. Après un tel film, nous devenons l’écran et pouvons nous demander quelle lumière recevoir et comment la refléter.
Le film sera en salles françaises l’an prochain, l’occasion d’encourager le cinéma sud-américain.