Dans sa quête pour affirmer son autorité, qui le mène d’une poignée de main théâtralisée avec Trump à des gros yeux faits à Poutine ou d’un road-trip en Pick-up sur les Champs-Elysées à un hélitreuillage sur les flots bleus, Macron a décidé de jouer du menton face au chef d’Etat-major des armées. Il fait reproche à ce dernier d’avoir protesté contre les coupes sombres qui risquent de s’abattre sur nos brigades et nos divisions. En réalité, le général de Villiers n’a pas fait de déclaration à la presse mais il était interrogé par une commission de l’Assemblée Nationale.
Macron, sautant sur l’occasion de s’affirmer, a néanmoins martialement fait savoir qu’il était le vrai et seul patron et qu’en cas de désaccord avec lui Villiers n’avait plus qu’à remiser son képi. On est au bord de la crise de nerfs dans les casernes. Les troupes, lit-on dans la presse, approuvent les protestations du général qui ne comprend pas comment on peut réclamer efforts et risques à des soldats dont on réduit concomitamment les moyens d’agir et de se protéger.
Mais, au fait, Macron est-il légitime à se draper dans une toge de soldat suprême ?
Le Président de la République est le chef des armées aux termes de l’article 15 de la Constitution. Mais il faut bien comprendre qu’il s’agit, dans l’esprit et même la lettre du texte fondamental, de veiller à éviter le pire à la Nation. Garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités, le Président est le seul responsable politique à pouvoir donner l’ordre d’engagement des forces nucléaires.
Si l’on descend d’un cran, le Président définit certes les orientations et arrête les décisions en matière de défense au sein de conseils placés sous sa présidence. Mais c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation. Pour cela, il dispose de l’administration et de la force armée (article 20 de la constitution). Le Premier ministre est responsable de la Défense nationale (article 21). Il assure la mise en œuvre des mesures décidées en conseil de défense et de sécurité nationale. Il s’appuie sur le Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN) qui s’est transformé en 2009 en un secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) aux missions élargies.
Le ministre de la Défense prépare et met en œuvre quant à lui la politique de défense dont il assume, avec la Premier ministre, la responsabilité devant le Parlement : organisation et entraînement des forces armées, recrutement et gestion du personnel, réalisation des armements, infrastructures. Il est assisté par des « grands subordonnés » : le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement, le secrétaire général pour l’administration, les chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air.
Bref, lorsqu’il s’agit comme en ce moment de trancher des questions budgétaires, on est en plein dans les compétences gouvernementales assignées au Premier ministre et dans sa foulée au ministre de la défense. Et il est du devoir du chef d’Etat-major, interrogé par des parlementaires, de leur dire la vérité sur l’état des troupes. Macron veut jouer au chef mais il se trompe de combat.
Du reste, les industriels de la défense ont fait part, selon le journal l’Opinion, de leur mécontentement lors du discours du président de la République aux armées, la veille du défilé militaire du 14-juillet, face à l’effort de réduction de 850 millions d’euros des programmes d’équipements pour financer les opérations extérieures. Refusant d’applaudir au discours du président, ils ont quitté l’hôtel de Brienne sans participer à la garden-party.
Avez-vous entendu Monsieur Philippe et Madame Parly sur ce sujet ? Nenni. On doit même désormais se demander si madame Boulard n’a pas pris prétexte de l’affaire des emplois fictifs du MoDem pour quitter son ministère, consciente qu’elle y compterait pour du beurre.
Tant que Monsieur Macron nous parlait de son rôle jupitérien avec le sourire, on pouvait croire à une forme de boutade. S’il prend les choses au sérieux, il faudra qu’il se souvienne que le pouvoir absolu est synonyme de responsabilité absolue. Même Zeus n’était pas seul sur l’Olympe.
Or, ici comme dans toutes les affaires qui agitent en ce moment l’exécutif, fait cruellement défaut à ce président ce que les anciens et Clausewitz nommaient le nerf de la guerre, à savoir l’argent. Macron prend des airs martiaux mais il n’a plus sou vaillant. A la première embuscade où périront des soldats français mal équipés, il devra rendre des comptes. Tout comme quand reprendront les attentats islamistes et qu’on constatera qu’à nouveau services de renseignement et de police furent défaillants dans un contexte de crédits diminués.
Plus les jours passent, plus le règne macronien apparaît comme un condensé, un précipité des errements de celui de son prédécesseur. Des grandes déclarations, des impôts pour la classe moyenne, des coupes budgétaires mal conçues et finalement la désillusion pour tous. Seul le conditionnement publicitaire a changé, autre manière de dire que les Français se sont faits emballer.
Lu sur le Delanpolis