« Nous avons bien redressé le pays depuis quatre ans ». Ce propos de François Hollande, comme le « ça va mieux ! » lancé par le même, ressemble de plus en plus à une incantation façon méthode Coué. Certes, le chômage s’est stabilisé, certes la croissance 2016 pourrait être légèrement supérieure à ce qui était attendu.
« Ça va mieux », parce que le chômage est à 10 % ? Mais peut-on oublier que chez nos voisins, en tout cas chez nos voisins anglais et allemands, qui sont censés être ceux dont le niveau de développement économique nous ressemble le plus, le chômage a totalement disparu ?
La croissance pourrait être supérieure à 1,25 % ? Elle resterait néanmoins inférieure à la moyenne européenne, mais surtout elle ne permettrait en aucun cas de faire redémarrer vraiment le pays, dans un contexte où les réformes sont devenues impossibles à mettre en œuvre (cf. la loi El Khomri et sa parfaite vacuité, et malgré cela, les quatre mois de crise sociale et de manifestations violentes). Qui plus est, on nous annonce déjà qu’à cause du Brexit, cette amélioration de croissance ne sera pas vraiment au rendez-vous. La faute à qui, en conséquence ? Au gouvernement ? Non, au populisme. En l’occurrence, le populisme venu d’outre-Manche.
Le gouvernement laisse à nouveau filer le déficit, dans le contexte des primaires et des présidentielles qui approchent. Mais après les élections, on nous annonce déjà « une politique budgétaire sérieuse », « une réforme du marché du travail indispensable pour faire reculer le chômage » (Pierre Moscovici). Autrement dit l’austérité, la vraie, est devant nous.
Cette austérité nous attend, elle sera forte, douloureuse, mais elle est donc différée à l’après mai 2017. Pour éviter le pire. Parce que la France est menacée par le pire, c’est-à-dire par quelque chose de beaucoup plus grave que l’effondrement économique, de beaucoup plus grave que les trois à cinq millions de chômeurs, de beaucoup plus grave que l’invasion migratoire, de beaucoup plus grave que le terrorisme islamique. Cette menace terrifiante, c’est notre populisme à nous. Tout plutôt que le populisme !
Une France appauvrie, affaissée et ouverte à tous les vents de la mondialisation, de l’islamisation, du terrorisme, plutôt que le populisme, qui est, comme chacun le sait, synonyme d’aventure, de radicalité droitière, voire de baisse de la bourse !
Le populisme, c’est la détestable incapacité du peuple à apprécier la compétence, la bonté, le dévouement, la réussite de ceux qui décident pour lui.
Pourtant si on interroge les Français, si on leur demande : « Est-ce que ça va mieux ? », 86 % des Français répondent : « Non ! »
Le populisme honni, c’est cela, en fait. C’est ce hiatus entre le peuple et ses « élites », contre lequel – de Juppé à Valls – on nous met en garde. Car, quand les écarts deviennent trop forts, le risque de passer du mécontentement populiste à la révolte populaire devient maximum.
Bien sûr, le désordre n’est jamais une bonne chose. Mais au fond de nous-mêmes, on aimerait que cette gauche qui, depuis deux siècles, voue un culte à la Révolution, à la guillotine, à Robespierre, à la terreur et fait chanter à nos enfants, dans les écoles publiques : « les aristocrates à la lanterne », que cette gauche (comme la droite dite « républicaine », qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau) recueille enfin les fruits de son impéritie et de son esprit de caste, les fruits de sa morgue élitiste. Cela semble bien parti.
Francis Bergeron – Présent