« Qu’est-ce qu’une maladie ? » Voilà qui aurait fait un bon sujet de philo, hier, pour le baccalauréat. In fine, c’est l’Organisation mondiale de la santé qui en dresse périodiquement la liste exhaustive dans sa Classification internationale des maladies(CIM). C’est un peu comme le dictionnaire de l’Académie : un mot y rentre, un autre sort…
Et si, comme on le sait, l’homosexualité s’en est échappée à la fin du XXe siècle, l’inventaire vient de s’enrichir officiellement d’une nouvelle pathologie – l’addiction aux jeux vidéo – dès lors qu’elle a des conséquences sur les « activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles » des passionnés du joystick. Mais la chose ne fait pas l’unanimité. « C’est une approche intéressante, mais cela risque de pathologiser des comportements qui sont normaux pour des centaines de millions de joueurs réguliers », résume Andy Przybylski, psychologue à Oxford spécialisé sur le sujet, suivi par des dizaines d’autres experts.
Le risque de voir la camisole passée de force aux amateurs de Super Mario semble encore assez éloigné, mais le débat est pertinent en ce qu’il ajoute à l’éternelle question des relations entre vice et crime (1, une place à la maladie.
Voie ouverte par l’URSS, qui avait ainsi commencé par étiqueter délinquants les gens qui ne croyaient pas au communisme, et les emprisonnait. Puis, devant le nombre croissant de ces sceptiques, elle décida que c’était plutôt des malades et les hospitalisait d’office sous fortes doses de neuroleptiques. Chez nous, depuis la loi Gayssot (communiste, il n’y a pas de hasard…) et suivantes, certaines opinions, mêmes banales, voire la simple constatation de faits objectifs, sont devenues des délits ; au point que seul Internet permet encore de les exprimer (mais peut-être pas pour longtemps). Ceux qui pensent qu’un enfant doit avoir un père et une mère n’auront-ils bientôt plus le choix qu’entre l’ambulance et le panier à salade ?
Dans le même ordre de questionnement vice ou maladie, on trouve le récent appel de professionnels de la santé emmenés par Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, contre « les dangers de la pornographie chez les jeunes ». Un cinquième des 14-24 ans interrogés regardent au moins une fois par semaine du porno, et surtout 9 % des 14-17 ans regardent ces images une ou plusieurs fois par jour. « Nous demandons simplement le respect de la loi qui interdit la pornographie aux moins de 18 ans, résume le professeur. […] Les fournisseurs d’accès ne peuvent pas, sous prétexte de la liberté du Net, s’affranchir de la protection des mineurs. » Comme diraient les ados, « même pas en rêve ! »
Le fond de la question est, bien sûr, de savoir si ces visionnages sont susceptibles d’avoir une influence néfaste sur la future vie sexuelle des enfants. Ce serait croire que la palette des activités érotiques s’est beaucoup diversifiée depuis Cro-Magnon et que Gilles de Rais ou le marquis de Sade auraient attendu les productions de Marc Dorcel…
Qu’il s’agisse de tabac, d’alcool, de cocaïne, de jeux vidéo ou de clips porno, il s’agit quasi toujours d’essayer de compenser un manque, un problème psychologique sous-jacent. Mais, c’est connu, « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt… »
(1) Bien exposée par Lysander Spooner (1808-1887) dans son ouvrage Les vices ne sont pas des crimes, Éditions Les Belles Lettres.
Richard Hanlet, médecin – Boulevard Voltaire