L’épuration et les poètes de Léon Arnoux

Poètes maudits… Au fond du puits d’oubli…

Par Arnaud Robert

Il est une époque pas si éloignée de la nôtre où il semblait naturel de dresser des « listes noires » de journalistes, d’écrivains et de… poètes accusés, souvent par des adversaires politiques ou des esprits jaloux, de s’être méconduits pendant la période de l’Occupation. Le piquant de ces listes, c’est qu’on y trouve parqué le gratin des lettres françaises du XXe siècle ! Citons pêle-mêle : René Benjamin, Pierre Benoit, Henri Béraud, André Castelot, Céline, Jacques Chardonne, Pierre Drieu la Rochelle, Jean Giono, Bernard Grasset, Sacha Guitry, Henry de Montherlant, Paul Morand, Maurice Vlaminck… 157 noms dans la liste du 21 octobre 1944 !

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Si certains de ces écrivains ont, depuis, rejoint le monde des vivants, tels Céline, Drieu, Giono, Morand ou Montherlant, tous publiés dans la prestigieuse collection de La Pléiade, les poètes, eux, restent généralement ignorés. C’est donc tout le mérite du livre de Léon Arnoux, féru de cette mystérieuse alchimie des mots, d’exhumer cette poésie des barreaux et des chaînes, celle des poètes maudits.

Dans cette recension sélective sont tour à tour étudiés Abel Bonnard, lauréat du Grand Prix de poésie de l’Académie Française, le journaliste Jean Hérold-Paquis ou encore Sacha Guitry, lequel écrit :

« Un homme était entré, soudain, dans mon cachot

L’arme à la main, le bras tendu,

Je l’avais à peine entendu.

Il me disait : Tu vas mourir !

Et je l’ai cru – car on le croit. »

Le pamphlétaire, polémiste, romancier et célèbre critique littéraire, Robert Poulet, bénéficie également d’un large chapitre, à la mesure de son immense talent poétique. On découvre un intellectuel complexe et un homme complet, à l’exact opposé du littérateur de salon. Outre, bien sûr, Robert Brasillach, romancier et journaliste emblématique de la Collaboration, dont la lecture des Poèmes de Fresnes, flamboyants comme un soleil immense et rouge, constitue toujours « une révélation et un choc », pour reprendre les mots de Léon Arnoux, il faut également citer les poètes Louis Truc et Noël Vesper.

Pasteur et poète

Le cas de ce dernier a été l’objet d’une véritable enquête de terrain de l’auteur. De son vrai nom Noël Nougat, Vesper est originaire du Lubéron. Pasteur de l’Eglise Réformée de France à Lourmarin, il est apprécié de tous et s’est fait connaître dès avant la Première Guerre mondiale, à une époque où ce genre littéraire était encore prisé, en donnant des poèmes à des publications renommées.

Le 20 août 1944, un groupe de maquisards enlève les époux à leur domicile et les force à les suivre dans la colline. L’épouse de Vesper est accusée d’un grave délit : elle aurait tenu publiquement, rapportent quelques bonnes femmes, des propos en faveur de la Milice et ce délit mérite un châtiment exemplaire… la mort ! Pour Vesper, il ne peut y avoir qu’un seul dénouement possible : soit son épouse aura la vie sauve, soit, par fidélité conjugale, il demandera à subir le même sort qu’elle ! Et c’est cette incroyable « faveur » qui lui sera accordée par les courageux justiciers… mais Noël Vesper devra auparavant creuser sa tombe et celle de son épouse Laure.

Ce florilège des poètes maudits, insolite et émouvant, résultat du travail fécond de Léon Arnoux, constitue la réappropriation d’une mémoire historique trop longtemps ensevelie.

• Léon Arnoux, L’Epuration et les poètes, éd. de Chiré.

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