Par quel tour de passe-passe l’attribut des «cailleras» des années 1990, soit une classe sociale défavorisée et méprisée, est-il devenu le summum de la fashion? Pour se renouveler, la mode pioche depuis toujours dans les marges. Et aujourd’hui, une nouvelle génération a pris le pouvoir: les millennials. Nés dans les années 2000, nourris à la culture internet, ces nouveaux jeunes sont ultra-consommateurs et nostalgiques des années 1990 –l’âge d’or du streetwear et du hip-hop.
Le jean à la peine
Le jogging, uniforme des rebelles 2.0? En tous cas, le bon vieux jean a du souci à se faire. Le cinq poches des pionniers n’a plus la faveur des jeunes. Les chiffres le prouvent: selon Kantar Worldpanel, s’il s’est encore écoulé soixante-dix millions de jeans en France en 2016, pour un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros, les volumes de vente stagnent.
Les clients ont vieilli –les consommateurs ont de plus de 35 ans. Du coup, les marques historiques sont à la peine. Levi’s tente de résister en multipliant les collaborations avec les créateurs branchés du moment, comme Vetements ou le Russe Gosha Rubchinskiy.
Le chiffre d’affaires du pionner du jean est pourtant à la peine, avec une croissance de seulement 1% en 2016.
Pour Marc Beaugé, il s’agit d’un effet de balancier prévisible: «dans les années 1960 et 1970, les baby-boomers se sont emparés du jean, symbole de la rébellion adolescente. Aujourd’hui, leurs petits-enfants, les millennials, rejettent ces codes. Bien qu’il soit simple à porter, le jean reste contraignant: il faut “faire” la toile rigide, qui se détend au fil du temps, alors que le jogging est hyper confort et polyvalent. On peut peut dormir dedans, squatter avec chez soi. D’une certaine façon, c’est le vêtement par excellence de la génération Netflix et Deliveroo, qui ne sort pas de chez elle, qui se fait livrer sa bouffe et à qui tous les biens culturels arrivent via internet».
Pauvres baby-boomers: on leur a déjà enlevé Johnny et la Harley-Davidson, en crise, voilà que c’est la fin du mythique jean. Tout fout le camp!