Pour ce qui est de l’inversion de la courbe du chômage – le seul critère public – il espère qu’elle sera effective d’ici à la fin de l’année puisque « ça va mieux » et, au besoin, il n’hésitera pas à triturer les chiffres ou changera de thermomètre. Pour ce qui de la politique proprement dite, un de ses premiers objectifs est d’empêcher une autre candidature à gauche qui pourrait lui interdire d’être présent au second tour. C’est le sens de l’ouverture du gouvernement à trois écologistes, pensant ainsi affaiblir les Verts et la candidature éventuelle de Cécile Duflot. Ne se faisait-il pas fort aussi de dissuader, in fine, Mélenchon, avec la complicité du parti communiste qui a besoin d’un PS, même moribond, pour conserver députés et sénateurs ? Pour ce qui des électeurs, il arrose des deniers de l’Etat sa clientèle électorale déçue : fonctionnaires en général, enseignants en particuliers, étudiants, etc.
Or aucune de ces mesures ne fonctionne comme il l’aurait souhaité ! Pour ce qui est des écologistes, Nicolas Hulot ne dit plus non à une candidature personnelle pour laquelle il serait soutenu par tous, bien au-delà des Verts, une concurrence plus redoutable que celle de Cécile Duflot. Mélenchon, quant à lui, est décidé à aller jusqu’au bout car certains sondages lui permettent d’espérer passer devant Hollande. Ce n’est donc pas le moment de flancher !
Quant à ses électeurs déçus depuis 2012, les sondages ne montrent aucun frémissement en faveur du chef de l’Etat, au contraire, d’autant que les mesures annoncées ne seront effectives que l’année prochaine ou, au mieux, à la rentrée ; rien ne se passe donc maintenant qui pourrait les faire changer d’avis sur l’action menée par celui pour lequel ils ont voté en 2012.
C’est dans ce contexte, catastrophique pour l’Elysée, qu’est intervenue la tentative de dépôt d’une motion de censure par les députés socialistes, dits « frondeurs ». Ils ont failli réussir. Ils ont rameuté écologistes opposants à Hollande, communistes, indépendants de gauche et même un centriste de la tendance Bayrou, Jean Lassalle. On notera, pour la petite histoire, qu’ils ont accepté que leur motion soit signée par Thomas Thévenoud qui est ce député – et éphémère ministre – dont ils demandaient la démission après la révélation qu’il ne payait pas ses impôts depuis plusieurs années. Là, ils n’ont pas été regardants…
Mais malgré ce ratissage dans les travées de l’hémicycle, ils ne purent réuni que 56 signataires alors qu’il en faut 58 (10% des députés) pour que la motion soit recevable. Ils n’ont toutefois pas dit leur dernier mot ; ils promettent de récidiver et comptent réussir lors du vote en seconde lecture si Valls engage encore la responsabilité du gouvernement et prive la représentation nationale de débat grâce à (ou à cause de) l’article 49-3.
Alors que Hollande, dans l’opposition face à Villepin, fulminait contre cette pratique au moment du CPE en 2006. Pour lui, à l’époque, « le 49-3 était une brutalité, était un déni de démocratie, une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire. » Il souhaitait même la suppression de cet article. C’est ici que se manifeste le pragmatisme de Hollande. Sa stratégie initiale pour 2017 a échoué ? Qu’à cela ne tienne, il songe à s’appuyer sur la dissidence des « frondeurs » et de leurs alliés au Palais Bourbon pour lui en dubstituer une autre, peut-être plus efficace pour le dessein qu’il pousuit.
Alors que, Valls furieux de ce que ses « camarades » aient voulu faire tomber son gouvernement, menace les frondeurs de ne point reconduire leurs investitures pour les prochaines élections, l’Elysée reste serein car il « joue l’apaisement » si l’on en croit les gazettes. Que se passerait-il si finalement la censure des frondeurs était adoptée en seconde lecture ? La chute du gouvernement Valls, la dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections législatives. A n’en pas douter, ce serait un raz-de-marée de députés de la droite libérale et du FN. Nous entrerions alors en cohabitation. Or, Hollande sait que sur ses quatre derniers prédécesseurs qui sollicitèrent un second mandat deux furent battus, Giscard et Sarkozy et deux furent réélus, Mitterrand et Chirac.
Ces deux derniers n’ont pu l’être qu’à la faveur d’une cohabitation alors qu’ils étaient très impopulaires peu avant. L’impopularité s’est reportée sur leur premier ministre en charge des affaires au quotidien, Chirac pour Mitterrand, Jospin pour Chirac. Cela donne des idées à Hollande ! Si les frondeurs ne renversent pas le gouvernement, pourquoi le chef de l’Etat ne prendrait-il pas l’initiative de la dissolution ?
Les frondeurs lui en offrent le prétexte : du fait de l’éclatement de sa majorité, le gouvernement ne peut plus réformer, il faut donc en appeler au peuple ! Certes, le délai est court entre des législatives anticipées et la date de l’élection présidentielle. Mais c’est plutôt un atout pour Hollande. Si le premier ministre probablement issu des rangs des Républicains met en oeuvre, par ordonnances, dans les cent premiers jours son programme : diminution du nombre des fonctionnaires, dégressivité des indemnités chômage, fin des 35 heures et abrogation de l’impôt sur la fortune, cela risque de mal se passer dans la rue.
Hollande à l’Elysée dirait que lui, s’il était réélu, n’irait pas jusqu’à ce niveau de mesures « antisociales ». Est-ce dans cette perspective que le gouvernement a voulu faire voter cet amendement passé inaperçu en février dernier : « La loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de la démission du gouvernement ou de la dissolution de l’Assemblée nationale ».
Bulletin d’André Noël N°2471 16-22 mai 2016 – Polémia