John Virapen, 64 ans a été PDG de Lilly en Suède, le laboratoire pharmaceutique américain qui commercialise notamment le Prozac. Son médicament vedette est l’antidépresseur le plus vendu au monde. De son passé dans l’industrie, John Virapen a écrit un livre qui vient d’être traduit en français après l’avoir été dans une vingtaine de langues: «Médicaments: effets secondaires, la mort». L’ouvrage décrit par le menu «la falsification de toutes les études cliniques, la dissimulation des accidents mortels aux agences de contrôle, les mensonges systématiques aux généralistes par les visiteurs médicaux et surtout la corruption des experts universitaires infiltrés dans les agences d’Etat et celle des politiques», selon les mots choisis par son éditeur, le Cherche midi pour promouvoir le livre.
Ce dernier avait été chroniqué par le Nouvel Observateur, l‘Express, Sciences et Avenir. Le Grand Journal de Canal + s’en était également fait l’écho. Mais rien dans le Quotidien du médecin. L’éditeur souhaitait justement y remédier en achetant un espace publicitaire. L’agence publicitaire de l’éditeur avait pris attache avec le journal, le passage de la publicité était prévu le 22 mai sur un quart de page, en couleur pour un tirage de 70.000 exemplaires. Le visuel avait été envoyé à la rédaction. Le montant avait été fixé à 6000 euros avec une remise de 45%, soit 3465 euros au final. Puis patatra, vendredi dernier, l’agence de pub reçoit un mail du Quodidien du médecin lui expliquant qu’il ne va pas être possible de publier l’encart publicitaire. «Cette publication ne correspond pas à notre ligne éditoriale, aussi nous vous invitons à nous faire parvenir l’annonce d’une publication plus en phase avec celle-ci ou de vous adresser à l’un de nos concurrents», écrit Sandrine Caporusso, directrice de la publicité du journal.
Le Quotidien du médecin et «les chiens écrasés»
«Depuis 40 ans qu’a été crée le Cherche Midi, je suis censuré pour une publicité! En 2014 c’est invraisemblable, je suis scandalisé, confie au Figaro Philippe Héraclès, le co-fondateur et président de la maison d’édition. On ne peut pas continuer à gérer des laboratoires pharmaceutiques comme on le faisait au XIXe siècle. On ne peut plus continuer à protéger ces gens-là».
La maison d’édition n’en est pas à son coup d’essai en matière de livre sur les laboratoires. Le guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux a été vendu à plus de 200. 000 exemplaires. Il fait partie du top cinq du Cherche Midi de ces dernières années.
Auditionné au Sénat le 10 mars 2011 dans le cadre de la mission sur le Mediator, et interrogé par François Autain qui s’étonnait de ne pas avoir vu dans le Quotidien du médecin de compte-rendu du livre d’Irène Frachon, la pneumologue à l’origine du scandale du Mediator, Gérard Kouchner, le directeur de la publication avait eu cette réponse: «Nous ne traitons pas des chiens écrasés».