Nous évoquions, il y a quelques mois, La Révolution silencieuse, le film allemand de Lars Kraume sur ces lycéens de RDA qui, en 1956, profitèrent des vacances de Noël pour passer à l’Ouest et tenter d’y obtenir leur baccalauréat. Sur une thématique similaire, le réalisateur Michael Bully Herbig nous propose, en ce moment sur les écrans, Le Vent de la liberté, inspiré aussi d’une histoire vraie.
Le film se déroule en 1979, dix ans avant la chute du mur de Berlin, à une époque où, aux prises avec les démocraties libérales, la RDA tente comme elle peut de contenir l’influence étrangère, de verrouiller le territoire et d’empêcher tout individu de passer la frontière d’un côté ou de l’autre. Près de 420 personnes auraient ainsi été abattues par les gardes-frontières de l’Est, d’après les chiffres officiels, bien que des estimations plus récentes avancent le chiffre d’un millier de morts.
Malgré le danger qui les guette et dont elles sont pleinement conscientes, les familles Strelzyk et Wetzel, composées chaque fois de deux couples et de leurs deux enfants, soit huit personnes au total, s’attellent en secret à la confection d’une montgolfière qui leur permettra, si le vent leur est favorable, de passer à l’Ouest. C’est, hélas, sans compter la Stasi qui, ayant découvert une première montgolfière échouée après une tentative de vol ratée par les Strelzyk, entreprend une enquête minutieuse pour identifier les coupables. L’étau se resserre, les deux familles comprennent alors qu’il va falloir s’activer pour tout recommencer de zéro et déguerpir avant que les autorités ne viennent les cueillir à leur domicile.
Pour le meilleur comme pour le pire, le film de Michael Herbig cumule à la fois des éléments du drame familial et du film d’évasion. Toutes les ficelles du genre sont au rendez-vous, porteuses d’un suspense plus ou moins pertinent, plus ou moins grossier, souvent à base de twists un peu faciles.
La musique souffre, quant à elle, d’une sur-utilisation qui tend à appuyer l’image inutilement, elle-même alourdie par moments d’une caméra-épaule télévisuelle, artificiellement immersive. À chercher désespérément ses références de mise en scène dans le cinéma américain à grand spectacle, le film pèche, finalement, par la même naïveté qui anime ses personnages principaux persuadés que les voisins ont toujours mieux à offrir.
Mais si, en l’occurrence, on peut aisément comprendre le point de vue des deux familles, voire y adhérer en grande partie – bien qu’il eût fallu également questionner le modèle économique en vigueur à l’Ouest et son consumérisme destructeur, quitte à donner parfois la parole aux adversaires socialistes –, on regrette que le cinéaste ait cédé au montage énergique hollywoodien et n’ait pas toujours pris le temps de poser sa caméra ni de composer ses cadres.
Les adversaires, parlons-en. Souvent représentés de façon caricaturale – le lieutenant chargé de l’enquête est un pervers et ses hommes des crétins –, ceux-là n’ont pas même les moyens intellectuels de formuler au cours du récit la moindre critique à l’encontre du modèle libéral, ce qui leur eût pourtant apporté un tant soit peu de relief. Quant à leur obstination à vouloir débusquer les deux familles au point de mobiliser des moyens militaires colossaux, elle paraît invraisemblable.
Le Vent de la liberté n’en reste pas moins un film populaire et plaisant à suivre, original, devant lequel on ne s’ennuie jamais, et qui a le mérite de nous raconter un bout d’Histoire.
Pierre Marcellesi – Boulevard Voltaire