Ce qui semblait impossible il y a encore quelques jours devient envisageable. Pourquoi ? Parce que les doutes sur la dangerosité du Roundup, produit phare de Monsanto, se muent en vérité. Et que cette vérité est tout simplement monstrueuse. La culpabilité de la firme de Saint-Louis (Missouri) devient chaque jour plus évidente. Un signe qui ne trompe pas : le groupe Bayer a refusé de s’exprimer sur ces dernières révélations.
Jeudi 16 mars, la justice fédérale américaine a déclassifié plus de 250 pages de correspondances internes de la firme agrochimique. Hasard du calendrier, la veille, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) expliquait que le glyphosate, le principe actif du Roundup, n’était ni cancérigène, ni même mutagène (engendrer des mutations génétiques). On en rigolerait presque si les faits n’étaient pas aussi graves. Or que disent ces échanges de mails déclassifiés qui inaugurent probablement les premiers « Monsanto papers » ? Que, dès 1999, Monsanto s’inquiétait réellement de la dangerosité de son produit phare. Pour désarmer toute critique, la firme veut trouver un expert qui prouverait que le glyphosate n’est pas génotoxique. Ce qui, en langage vulgaire, veut dire que ledit produit n’est pas susceptible de provoquer des cancers en série illimitée. L’expert en question est un professeur gallois, James Parry, grand spécialiste de la génotoxicité. Qui conclut rapidmeent au danger réel du principe actif du Roundup. Selon lui, le glyphosate est un mutagène capable de casser l’ADN et d’induire des aberrations chromosomiques. Bien évidemment, le rapport restera dans les cartons de Monsanto. Cartons qui viennent d’être ouverts pour la première fois depuis 18 ans. La vérité se lève doucement sur la dangerosité avérée du Roundup. Ce n’est probablement que le début des Monsanto Papers. Espérons que Bayer, qui n’est pas blanc bleu non plus, s’exprime rapidement sur ces nouvelles révélations. Rappelons que la Californie a classé le Roundup parmi les substances cancérigènes qui doivent être étiquetées comme telles.
Le non-rachat de Monsanto par Bayer ne changerait peut-être pas la face du monde, mais elle serait un signe tangible que l’information est encore et toujours riche de sens
En septembre 2016, Atabula lançait une « Lettre ouverte contre l’invasion de l’agrochimie dans nos assiettes » qui a reçu quelque 30 000 signatures, parmi lesquelles de très nombreux professionnels de la restauration. Elle expliquait qu’« il est nécessaire que les chefs et tous les acteurs de la restauration prennent la parole et expriment publiquement leurs inquiétudes : sans un produit sain et de qualité, sans diversité des cultures, le cuisinier ne peut plus exprimer son talent créatif. Il n’est plus en mesure de faire son métier comme il l’aime et de le transmettre avec passion. Quant au paysan et à l’agriculteur, ils se transforment en simples exécutants d’un grand tout agrochimique qui les dépasse : des ouvriers à la solde d’une entreprise apatride, hors sol. » La volonté d’Atabula est simple : sensibiliser, responsabiliser, agir. Depuis, un début de mouvement collectif s’est mis en place grâce à quelques professionnels qui veulent continuer le mouvement (1).
Un Appel au droit à bien manger a été lancé également sur Atabula le 24 février dernier. D’autres initiatives, concrètes et précises, vont être annoncées dans les prochaines semaines. Notre Appel se terminait ainsi : « Il est essentiel de se mobiliser et d’agir dès maintenant, pour que les générations futures puissent manger et vivre mieux demain qu’aujourd’hui. » Le non-rachat de Monsanto par Bayer ne changerait peut-être pas la face du monde, mais elle serait un signe tangible que l’information est encore et toujours riche de sens. Ces premières révélations des « Monsanto Papers » ne font que renforcer notre conviction qu’il faut informer et agir.”
(1) Olivier Roellinger, Franck Pinay-Rabaroust, Camille Labro, Pierre Hivernat, Alexandre Gauthier, Eric Roux, Xavier Hamon, Laurent Terrasson, Bertrand Grébaut, Théo Pourriat et Isabelle Mical.