Avec Mabanckou, la littérature africaine entre au Collège de France!

“En m’accueillant ici, vous poursuivez votre détermination à combattre l’obscurantisme et à convoquer la diversité de la connaissance”, a affirmé jeudi l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou au Collège de France pour sa leçon inaugurale de la chaire de “Création artistique”.

(…) Expliquant qu’en 1530, au moment de la fondation du Collège, les Africains “n’existaient pas en tant qu’être humain”, il a expliqué qu’alors “en Sénégambie, un cheval valait de six à huit esclaves noirs”. “C’est ce qui explique mon appréhension de pratiquer l’équitation”, a-t-il ajouté malicieusement.

“Tout cela est, certes, de l?histoire, tout cela est certes du passé, me diraient certains. Or, ce passé ne passe toujours pas, il habite notre inconscient, il gouverne parfois bien malgré nous nos jugements et vit encore en nous tous car il écrit nos destins dans le présent”, a-t-il dit.

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“Ce qui est historique, c’est la rencontre d?un savoir faire africain avec une réflexion, une intelligence française”, a expliqué l’académicien. “Cette rencontre était attendue. Elle a eu lieu aujourd?hui et nous en sommes absolument ravis”.

(…) Pour sa première leçon (les autres cours commenceront chaque mardi à partir du 29 mars), le romancier est revenu sur l’histoire de la littérature coloniale française. “La littérature d?Afrique noire et la littérature coloniale française sont à la fois inséparables et antagoniques”, a-t-il estimé convoquant notamment l’Ecossais Mungo Park, René Caillé, Jules Verne mais aussi Joseph Conrad ou Louis-Ferdinand Céline qui donne sa vision du Cameroun dans “Voyage au bout de la nuit”.

(…) “J’appartiens à une génération qui s?interroge, celle qui, héritière bien malgré elle de la fracture coloniale, porte les stigmates d?une opposition frontale de cultures dont les bris de glace émaillent les espaces entre les mots, parce que ce passé continue de bouillonner, ravivé inopportunément par quelques politiques qui affirment, un jour, que +l?homme africain n?est pas assez entré dans l?histoire+ et, un autre jour, que la France est +un pays judéo-chrétien et de race blanche+”, a-t-il souligné.

“Nous autres Africains n’avions pas rêvé d’être colonisés, nous n’avions jamais rêvé d’être des étrangers dans un pays et dans une culture que nous connaissons sur le bout des doigts”.

“Notre salut réside dans l’écriture, loin d’une factice fraternité définie par la couleur de peau ou la température de nos pays d?origine”, a-t-il conclu.

Source

Citation d’Alain Mabanckou: “Nous avons bâti la France. La France n’est pas forcément un pays judéo-chrétien de race blanche.”

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