Le Monde (11 mars) vient de publier un article du théologien Hans Küng intitulé « Abolissons l’infaillibilité pontificale », pas moins. Ce pluriel que l’on pourrait prendre pour collectif semble être un pluriel de majesté, puisqu’on ne constate pas de manifestations au-delà de sa personne pour cette abolition. Il est vrai qu’en finir avec l’infaillibilité pontificale est son grand œuvre depuis quelques décennies. En 1971, il publiait un livre : Infaillible ? Une interpellation, dans lequel cette vérité définie par le concile Vatican I était remise en cause. Depuis, il n’a cessé de harceler les papes successifs sur cette question. Avec François, il espère avoir plus de chances d’être entendu. Il l’imagine mal « définir une vérité infaillible », écrit-il. Mais ses immédiats prédécesseurs n’ont pas davantage usé de leur infaillibilité. Depuis 1950 et la promulgation du dogme de l’Assomption par Pie XII, il n’y a eu aucune autre définition.
Il remercie le pape François, qui lui a toujours répondu « fraternellement », contrairement aux autres, dit-il, notamment Jean-Paul II qui lui a ôté l’autorisation d’enseigner. Ce qui était faire preuve de bienveillance ! La sanction est bénigne eu égard à celle qu’il encourait pour nier une vérité révélée, l’infaillibilité pontificale, avec pertinacité : l’excommunication. De Jean-Paul II, il aurait pu retenir aussi le courage qu’il a eu de vivre son chemin de croix à la face du monde alors que la maladie de Parkinson torturait son corps. Or Hans Küng est atteint du même mal, mais lui ne veut pas « continuer à vivre comme l’ombre de lui-même » et il a annoncé qu’il envisageait d’avoir recours au « suicide assisté ».
II vient de transmettre au souverain pontife, dit-il, le tome V de ses œuvres complètes qui porte sur l’infaillibilité, en espérant convaincre le pape, dont il pense qu’il peut rayer d’un trait de plume la définition de Vatican I. Sur le fond de son argumentation, il n’y a rien de neuf. Toutes les objections qu’il développe l’ont déjà été lors des débats à Vatican I avant d’être rejetées. Le théologien suisse, néanmoins, est sûr d’avoir raison contre l’Eglise… infailliblement. On songe au vers de Boileau : « Tout protestant fut pape, une Bible à la main. »
Guy Rouvrais – Présent