C’est une nouvelle qui m’a tirée du lit aux aurores. Dans la radio qui crachouillait contre mon oreille, j’ai entendu qu’on allait, dès janvier prochain – dans trois semaines, donc –, installer dans Paris des « Uritrottoir ». Autour de la gare de Lyon, pour commencer, avant d’étendre ces pissoirs modernes aux autres quartiers de la capitale.
C’est une idée révolutionnaire, un objet du XXIe siècle futuriste qui nous arrive de Nantes, ville de fêtards et de marins. Et, comme chacun sait, les fêtards et les marins éclusent, et quand ils ont éclusé, ils pissent contre les murs. D’où l’invention, par la société Faltazi, de l’Uritrottoir, nouvelle espèce d’urinoir. C’est une caisse en bois garnie d’une botte de paille. Recouverte d’une structure métallique, elle est déguisée en jardinière et trônera bientôt dans les encoignures aux parfums alcalins. Mais attention, le pissoir du futur est un objet « connecté ». Sous la paille humide gisent des capteurs qui n’auront pas pour mission, comme on pourrait l’espérer, d’identifier l’engin qui les arrose mais de prévenir les collecteurs de pisse quand la gamelle sera pleine. C’est MODERNE, on vous le dit !
Madame Hidalgo, qui ne songe qu’à notre bonheur, en est folle.
Paris étant devenu un urinoir à ciel ouvert, voilà, se dit-elle, de quoi calmer l’ire des empêcheurs de pisser en rond. Mais comme j’ai mauvais esprit, je me pose une question : tous ces gros dégueulasses qui ne font pas deux mètres pour mettre leurs déchets dans une poubelle les parcourront-ils pour pisser dans la paille ? J’en doute… J’imagine, en tous cas – Paris étant également devenu un immonde crachoir -, qu’on nous proposera bientôt sur le même modèle des crachoirs connectés, avec analyse numérique des expectorations.
Fut un temps où l’on vantait Rudolph Giuliani et son concept de « tolérance zéro », qui rendit à New York propreté et sécurité. Bertrand Delanoë et sa suivante Anne Hidalgo ont, eux, choisi une autre option : favoriser les comportements incivils qui font de la ville un cloaque ! Dans cette optique, la capitale étant aussi la ville la plus salement taguée du pays, sans doute proposera-t-on bientôt au coin des rues des bombes de peinture en libre-service ?
Car madame le maire ne recule devant aucun sacrifice, du moment qu’il est financé par nos impôts. C’est ainsi qu’ouvrira, l’été prochain, un espace de « baignade naturelle » dans le bassin de la Villette. Au bout du canal de l’Ourcq… Neuf mois de travaux pour trois bassins : longueur 90 m pour 16 m de largeur. Coût de la blague : 1,3 million d’euros. « La baignade sera ouverte du 15 juillet au 15 septembre et se répétera tous les ans. Dès mi-juin à partir de 2018 », dit l’adjoint aux sports. Pour rassurer les bobos – surtout quand on a vu ce qui traînait au fond du canal quand il a été curé, voilà quelques mois ! –, Jean-François Martins assure : « Nous sommes bons depuis quatre ans en ce qui concerne les bactéries entérocoques et Escherichia coli. De plus, dès l’ouverture de la baignade, l’ARS (Agence régionale de santé) procédera à des contrôles régulièrement et, s’il y a un problème, le drapeau rouge sera hissé. »
Et pour ceux qui douteraient encore, la mairie prévient : « Nous allons également faire un rappel pour que les bateaux ne rejettent pas dans le bassin et aux gens de ne pas y jeter leurs déchets. » Surtout, et c’est primordial, « la mairie rappellera aussi qu’il faut entrer dans l’eau doucement, se mouiller et se doucher ensuite ». Et ne pas faire pipi ni popo.
Du coup, je fais un rêve : j’invite tous les malheureux qui campent dans la rue et jonchent nos trottoirs de jour comme de nuit à venir faire leurs ablutions dans le joli bassin de madame Hidalgo à la Villette… On va bien rigoler !