Des chercheurs de Birmingham ont identifié six types de tueurs qui utilisent Facebook pour commettre un crime .
Les réseaux sociaux facilitent-ils la tâche des criminels ? On pourrait le croire en lisant certains articles du genre “encore un meurtre à cause de Facebook”. On peut cependant se poser la question du rôle joué par les réseaux sociaux dans certains faits de société dramatiques. Sont-ils des catalyseurs ? Des outils ?
Deux chercheurs de l’université de Birmingham, Elizabeth Yardley, directrice du centre de criminologie appliquée et David Wilson, professeur de criminologie, viennent de publier une étude dans “The Howard Journal of Criminal Justice”, dans laquelle ils ont étudié 48 cas de “meurtres Facebook” dans le monde entre 2008 et 2013.
Six profils-type de tueurs sur Facebook
Cela leur a permis de distinguer six catégories d’utilisation des réseaux sociaux pour commettre de tels crimes, au travers de six profils-type :
1. Le réactif : il réagit à des contenus postés sur Facebook en attaquant la victime face à face. Cela peut se produire immédiatement après avoir visualisé le contenu qui a provoqué sa colère, ou il peut y avoir un délai pendant lequel il revoit le contenu et rumine sur sa signification.
2. L’informateur : il utilise Facebook pour informer les autres qu’il a l’intention de tuer sa victime, qu’il a tué sa victime, ou les deux. Les informateurs se servent de Facebook pour montrer qu’ils contrôlent leur victime et la situation.
3. L’antagoniste : il s’engage dans une escalade d’échanges hostiles sur Facebook, qui débouche sur un face à face de violence mortelle. Les antagonistes peuvent rechercher un avantage physique lorsque le conflit se prolonge hors ligne en se munissant d’armes.
4. Le fantasmeur : il utilise Facebook pour réaliser ou céder à un fantasme. Pour les fantasmeurs, la frontière entre le fantasme et la réalité est devenue de plus en plus floue, et l’homicide peut être un moyen de maintenir le fantasme, ou pour empêcher les autres de découvrir la supercherie.
5. Le prédateur : il crée et entretient un faux profil pour attirer sa victime et la rencontrer hors ligne. Il peut se servir de l’information disponible sur le profil de la victime pour identifier et exploiter ses faiblesses, afin de créer les fondations sur lesquelles il développera une relation.
6. L’imposteur : Il poste sous le nom de quelqu’un d’autre. Cela peut être la victime, pour créer l’illusion qu’elle est encore en vie, ou une autre personne pour avoir accès au profil de la victime afin de la surveiller.
Pour les chercheurs, cependant, “les cas que nous avons identifiés n’étaient pas collectivement uniques ou inhabituels en comparaison avec les tendances et méthodes générales, certainement pas à un degré qui nécessiterait l’introduction d’une nouvelle catégorie d’homicides ou justifierait une étiquette large comme ‘meurtre Facebook’.”
Les quelques différences qu’ils ont notées ? Elles sont “en termes de tranches d’âge plus jeunes, de diversité économique parmi ceux impliqués dans des homicides de confrontation, et une sur-représentation de meutres-suicides et de victimes féminines”.
Ils admettent également qu’en se focalisant sur Facebook, ils n’ont pas approfondi le cas des autres réseaux sociaux, ou des autres formes modernes de communication (smartphone, email), qui mériteraient aussi une étude.
L’évolution technologique n’est pas responsable des crimes
Le Docteur Yardley résume les conclusions de l’étude : “Nous voulions voir en quoi les meurtres dans lesquels Facebook avait été impliqué étaient différents d’autres homicides, et nous avons trouvé que, globalement, ils ne le sont pas : les victimes connaissaient leurs tueurs dans la plupart des cas, et ces meurtres reflétaient ce que nous connaissions déjà sur ce type de crime.”
Pour elle, les réseaux sociaux ne sont pas à blâmer : “Les réseaux sociaux comme Facebook sont devenus une part de nos vies de tous les jours, et il est important de souligner le fait qu’il n’y a rien de fondamentalement mauvais en eux. Facebook n’est pas plus à blâmer pour ces crimes qu’un couteau est à blâmer pour avoir servi à poignarder quelqu’un. Ce sont les intentions des gens qui utilisent ces outils sur lesquelles nous devons nous concentrer”.
C’est dans la nature humaine que réside le crime
Une conclusion qui devrait nous mettre en face de certains fantasmes que beaucoup d’anti-technologies, ou plus globalement d’esprits étroits et conservateurs, ont tendance à mettre en avant.
Comme disait Brassens, “les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux”. Donc, dès qu’un comportement sort de la norme, il devient automatiquement source d’intentions criminelles, ou joue le rôle de “pervertisseur de notre belle jeunesse”.
Or, blâmer les réseaux sociaux, les jeux vidéo, les livres, la télévision, les médias, les jeux de rôle, le port de manteaux noirs, les clowns ou l’abandon des valeurs judéo-chrétiennes revient à isoler un élément sans rapport direct avec la cause d’un crime, et de lui faire supporter la seule responsabilité de son exécution.
Plus encore, l’évolution technologique impacte la vie quotidienne et transforme les lieux publics, dans lesquels les crimes sont commis. Avant les meurtres dans les trains, il y avait des meurtres dans les diligences. En cherchant bien, je suis sûr qu’on pourrait retrouver des crimes commis en utilisant le télégraphe.
S’il y a un homicide commis au bal des sapeurs-pompiers de Trifouillis-les-Arrosoirs, va-t-on demander l’interdiction des bals populaires ? Montrer du doigt les sapeurs-pompiers ? Évidemment pas.
C’est pareil pour les réseaux sociaux : s’il y a encore des gens qui ne les comprennent pas, cette incompréhension ne doit pas devenir une peur qui incite à montrer du doigt et accuser de maux imaginaires.
C’est dans la nature humaine que réside le crime, pas dans des réseaux sociaux… Il y aura donc (hélas) très probablement de plus en plus de “crimes Facebook”, mais seulement parce que de plus en plus de gens apprennent à s’en servir, et s’en servent au quotidien, et que parmi ces gens-là, il y a aussi des criminels.