Pourquoi Macron a-t-il rétrogradé son chef d’état-major?

C’est Le Point qui a relevé cette information qui aurait bien pu passer inaperçue. Les faits se résument sur le papier à peu de choses. Dans l’organigramme de l’Elysée figurait en tête Emmanuel Macron, suivi du secrétaire d’Etat à l’Elysée, Alexis Kohler, et de l’amiral Rogel, chef de l’état-major particulier du Président. Mais ça, c’était avant. L’amiral qui avait remplacé le général Puga le 16 juillet 2016 auprès de François Hollande a bien été conservé par son jeune successeur, cela ne l’a pas empêché d’être rétrogradé par arrêté présidentiel en 3e position derrière le directeur de cabinet du Président.

Est-ce que cela change quelque chose sur le papier ? Non. L’amiral Rogel conserve ses prérogatives et n’est jamais loin de l’oreille de Jupiter à défaut d’être sorti de sa cuisse. Toutefois, cette décision remontant au 19 septembre, quelques semaines après la démission fracassante du général Pierre de Villiers, apparaît aux yeux des observateurs comme une provocation voire une humiliation supplémentaire imposée à l’armée par le Président de la République.

Il est évidemment possible que cette décision relève d’un tout autre raisonnement… Mais pour l’armée, où la symbolique est tout aussi importante que la hiérarchie, l’arrêté passe mal.

« Cette décision montre bien que le Président n’a pas résolu son problème avec les armées… Cette rétrogradation ne répond à aucun besoin immédiat mais est une nouvelle humiliation pour l’armée », affirme le général Desportes, dans Boulevard Voltaire, qui voit en Macron un président qui semble « aimer l’armée mais détester les militaires ».

Cette décision de rehausser le directeur de cabinet Patrick Strzoda dans l’organigramme est une première. Ses prédécesseurs auprès de Nicolas Sarkozy et François Hollande occupaient respectivement le 8e et le 6e rang. Difficile donc d’assimiler cela à autre chose qu’une puérile démonstration d’autorité. D’autant plus que, comme le fait remarquer Jean Guisnel, journaliste au Point, Emmanuel Macron est connu pour sa grande méticulosité dans le règlement de ce genre de détails. Il paraît donc peu probable que cette rétrogradation ne soit pas le fruit d’un calcul. Si le scandale Villiers a pu passer pour de l’inexpérience, la rétrogradation de l’amiral Rogel aura bien du mal à recueillir ce type d’excuse.

La décision présidentielle va-t-elle provoquer une fronde à l’image de celle née de la passe d’armes avec le général de Villiers ? On peut en douter. Mais certaines données demeurent indéniables : à force de taquiner la Grande Muette, il est plus que jamais permis de supputer que son silence ne sera pas éternel. « On peut demander à un soldat de mourir, c’est son métier », avait déclaré Hélie de Saint-Marc lors de son procès, il est toutefois fortement déconseillé de l’humilier. Surtout lorsqu’il sert une nation dont l’histoire est liée, plus que toutes les autres, à celle de son armée.

 

Etienne Defay – Présent

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