Le montant prélevé sur chaque contrat d’assurance pour alimenter le fonds d’indemnisation des victimes d’attentats passera de 3,30 € à 4,30 €. La question était posée depuis des mois. C’est désormais acquis. Selon nos informations, à partir du 1er janvier 2016, la taxe actuellement prélevée sur chaque contrat d’assurance (voiture, habitation, etc.) pour alimenter le Fonds d’indemnisation des victimes d’attentats (FGTI)* passera de 3,30 € à 4,30 €.
Soit une envolée proche de 30 % ! Ce sont quelque 86 MEUR supplémentaires qui rentreront dans ses caisses. La décision, prise discrètement le 5 octobre par son conseil d’administration, devrait faire l’objet d’un arrêté ministériel dès cet automne.
« Cela faisait des années que nous demandions un fort relèvement des cotisations, car le fonds ne couvrira pas, sur le long terme, les engagements pris auprès de certaines victimes qui bénéficient parfois d’une rente pendant vingt, voire trente ans, détaille un administrateur. Longtemps opposée à une augmentation, la représentante du ministère de l’Economie a finalement donné son accord. »
Faut-il y voir la maladresse d’un gouvernement qui s’était engagé à ne plus relever les prélèvements cette année ? Pas forcément. Un rapport confidentiel du contrôleur général économique et financier de Bercy, présenté au début de l’année, montrait qu’il y avait urgence à renflouer les caisses du FGTI. Si elles semblent aujourd’hui pleines — de l’ordre de 1,4 Md€ — le rapport alertait sur le fait que ce magot serait épuisé d’ici sept à huit ans faute d’une nouvelle mesure de financement.
Le fonds indemnise aussi les victimes d’infractions pénales graves
Le document proposait même de relever les cotisations à 5,70 € (2,40 € de plus) pour assurer une couverture des prestations à 100 %. Interrogé, Bercy confirme ce projet de relèvement, après onze ans de stabilité, en soulignant qu’il est nécessaire pour « continuer à indemniser correctement les victimes ». « Cette somme reste très modique, presque symbolique, confie Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs). Pour 4,30 € sur un contrat d’assurance habitation, chacun a la garantie d’être indemnisé si lui ou ses proches sont victimes d’une agression, terroriste ou non. » En effet, si à sa création en 1986, le FGTI indemnisait exclusivement les victimes du terrorisme, depuis 1990, sa mission a été élargie aux victimes d’infractions pénales graves (violences physiques, viols, etc.) qui engloutissent plus de 95 % des recettes du FGTI. Mais c’est bien parce que le sujet du terrorisme est de plus en plus à l’ordre du jour que la question du renflouement s’est posée : attentat de « Charlie Hebdo » en janvier, dans une usine de production de gaz industriel à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) en juin, dans le Thalys fin août… Selon une source proche du dossier, entre 18 et 20 M€ devraient être versés aux victimes des attentats de 2015. Pis, si l’on en croit les récents propos de l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, la France serait « l’ennemi numéro un » de Daech. Autant dire qu’avec 1 € de plus, l’idée a fait consensus. « Mais attention, prévient Stéphane Gicquel, il serait inacceptable pour nous que cette hausse soit conditionnée à une maîtrise des dépenses du Fonds, qui se ferait forcément au préjudice de l’indemnisation versée à chaque victime. »
Cette augmentation ferme-t-elle pour longtemps la question d’une nouvelle hausse du budget du FGTI ? Pas sûr. « Le Fonds, même avec des recettes annuelles qui passeront d’environ 280 à 360 M€, ne supporterait pas le choc d’un 11 Septembre à la française », assure une source proche du dossier. Dans son rapport, le contrôleur général économique et financier de Bercy conseillait d’ailleurs fortement au FGTI d’anticiper un tel risque, en planchant sur une série de « scénarios catastrophes »…
* Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).
Repères
289,9 M€ ont été versés par le fonds en 2014, dont 256,2 M€ pour l’indemnisation des victimes d’infraction de droit commun et 6,5 M€ pour l’indemnisation des victimes de terrorisme. Le FGTI a aussi versé 27,2 M€ au Service d’aide au recouvrement des victimes (Sarvi).
285,1 M€ ont été récoltés en 2014 par la contribution des assurés et 70,6 M€ grâce aux recours contre les auteurs de faits délictueux. 51 M€ proviennent du produit de placements financiers.
4 070 victimes du terrorisme ont été indemnisées depuis vingt ans, pour un montant total de 106,3 M€. Il s’agit de blessés, mais aussi de proches de personnes décédées et d’anciens otages. 99 dossiers ont été ouverts l’an dernier.
Source : rapport d’activité 2014.